Petite interview de mon mari !
* Première partie *Quelles sont tes premières expériences de big wave ? A l'âge de 19 ans, en 1996, je suis allé en Indonésie pour la première fois. En préparation de ce voyage je suis parti avec une 7'2" pintail toute neuve et l'intention de la surfer sur des grosses vagues. Je n'avais surfé jusqu'alors qu'en France, un peu en Espagne. Je venais de finir ma première saison de sauveteur en mer au Pin Sec (proche d'Hourtin, Gironde).
A Bali, j'ai pu utiliser ma nouvelle planche dans de belles grosses vagues à
Uluwatu &
Impossible, mais c'est vraiment à Sumbawa, sur un spot appelé
Lakey Peak, que j'ai vraiment "tâté du gros" pour la première fois. C'est une vague très creuse à plus de 4 m ; j'en ai pris plusieurs dont je me souviendrai toute ma vie, mais ma chère 7'2" n'a malheureusement pas survécu. Ce jour-là, 8 autres planches de 7 pieds et plus ont été cassées. Le seul armé d'une 8'6" a pu offrir un spectacle digne de ces vagues, c'était un des jumeaux Berque (Maximilien ou Emmanuel ; leur site à visiter
http://emmanueletmaximilienberque.blogspot.com).
Cette session a fait naître en moi le désir pour le big wave riding, mais m'a aussi appris qu'il faut être préparé, aussi bien avec son équipement, que sa technique. Je me suis blessé ce jour-là, un triceps meurtri par un choc avec le rail, et une très grosse frayeur quand que je suis fait décaler par une énorme série qui m'a montré que, bien qu'extrêmement à l'aise physiquement à l'époque, il ne fallait pas plaisanter avec les grosses vagues.
De retour sur Bali, j'ai tout de suite racheté une 7'6" plus épaisse avec l'intention de l'utiliser dès que l'occasion se présenterait.
Ce ne fut pas le cas sur ce trip-là.
Par contre, 2 mois plus tard, en Nouvelle-Zélande, j'ai surfé
Raglan à 12 pieds.
Ces 2 sessions initiales de big waves m'ont fait comprendre l'importance du spot et la différence majeure entre une vague très creuse comme
Pipeline par exemple et un Point avec un channel très bien délimité comme
Waimea. Ce sont pour moi 2 disciplines très éloignées qui requièrent une approche technique et psychologique différente. Ce qui me convenait le mieux était de chasser des drops de plus en plus gros plutôt que les tubes les plus méchants.
Par la suite, en tant que sauveteur dans les Landes, à Moliets (4 saisons) j'ai bien sûr surfé des beach break creux, mais je préférais sortir ma 7'6" dès que l'occasion se présentait pour surfer les bancs de sable du large ou
Lafitania au Pays Basque.
Ensuite tu as déménagé en Californie, pour surfer et suivre tes études... Oui, J'ai déménagé dans le sud de la Californie près de San Diego en Décembre 1999, un hiver El Niño très riche en vague. Dès mon arrivée, le désir de surfer du gros c'est réveillé. Pendant les deux première années j'ai eu l'occasion de surfer plusieurs vagues très intéressantes sur La Jolla et Encinitas, notamment
La Jolla Cove,
Dunemir Street et
Swami's. C'est après avoir vraiment progressé dans des vagues de 12 à 15 pied (4 / 5 m), qu'avec un groupe d'amis surfeurs de mon Université, j'ai commencé à aller régulièrement à
Killer's, le célèbre spot de grosses vagues Mexicain situé sur les ilots de Todos Santos, au large de la ville d'Ensenada. J'avais toujours ma fidèle 7''6', Mais en préparation pour Todos, je m'étais fait shaper une 9"6' par Rich "Toby" Pavel de Green Room Surfboards.
Peux-tu nous parler de ta première session à Todos ? Ma première session à Todos Santos reste encore aujourd'hui l'une de mes toutes meilleures sessions. Avec mes deux compères qui avaient déjà plusieurs saisons d'expérience à Todos, nous sommes partis de San Diego à 3h du matin. Mon anticipation pendant le trajet en bateau était extrême. C'était le lever du jour et il y avait beaucoup de brouillard. Dès la sortit du port d'Ensenada, sur le bateau, la longue houle puissante du Pacifique s'est faite sentir et n'a cessé de grossir en approchant des îles. Quand les deux îles sont apparues, le capitaine a décidé de faire le tour plutôt que de passer comme de coutume entre les deux îles. Mes amis m'ont expliqué qu'ils n'avaient dû faire le tour qu'une fois dans le passé et cela à cause de la taille des vagues !
Rien de tel pour faire monter la tension encore d'un cran.
J'ai eu finalement beaucoup de chance ce jour la car les vagues était en fait très très clean et parfaites pour une première session. Bien que très grosses, jusqu'à 4 fois au-dessus de la tête (6 / 7 m), j'ai ridé avec succès plusieurs vagues sans trop bouffer...
La vague de Todos semble effrayante, faut-il être assez fou ou suicidaire pour oser y aller ? Pas du tout.
Todos est une vague qui a un channel très profond, la vague est relativement prévisible, c'est pour cela que l'on peut la rider à cette taille, et bien plus gros (voir les célèbres sessions tow-in à plus de 60 pieds).
A partir du moment où l'on est extrêmement précis sur son placement, que l'on a la planche et la force de rame qu'il faut, le mental dit d'y aller sans hésiter, la vague est SURFABLE (contrairement à 5 m de houle sur une plage de Gironde qui a des centaines de mètres de barre à passer et un courant ingérable).
Personnellement, j'étais très en forme physiquement à l'époque, je donnais des cours de surf et je surfais quasi quotidiennement, je faisais beaucoup de bodysurf aussi. Je mangeais bien, et je ne buvais que modérément. J'étais accompagné d'amis expérimentés et j'avais déjà, en 2004, 19 ans de surf, et 5 ans de sauvetage derrière moi.
Lors de sessions comme celle-là, on peut choisir d'être extrêmement prudent, c'est à dire ne partir que sur les vagues que l'on juge sans surprise, se retirer dans le channel dès qu'on a un doute sur le placement, attendre qu'une série passe pour se replacer. En fonction de l'état d'esprit et de sa condition physique le jour J, on peut décider de prendre plus ou moins de risques : partir plus profond, plus late, offre davantage de sensations mais il faut être prêt à payer les conséquences d'une chute.
Les jours où il y a des équipes de tow-in et des jet ski présents, on a tendance à prendre plus de risque car on sait qu'en cas de problème un jet ski peut venir à notre secours et nous ramener au port en 30 minutes.
Que se passe-t-il sur une grosse vague ? Le surf de grosses vagues est une histoire de précision. Il faut être précis sur son placement, son timing, et ses trajectoires. Il est fondamental de faire les bons choix de ligne. Pour mettre les choses en perspective, un drop à 20 pieds relativement à l'épaule suivit d'un kick-out quasi immédiat dans le channel équivaut à 150 mètres et 15 min de rame pour revenir au peack. Les proportions sont complètement différentes. On va beaucoup plus vite, et il n'est pas rare de couvrir une section de 30 mètres rien que sur un bottom-turn.
Le rush principal ressenti sur un gros drop est une sensation de chute libre, comme au départ d'une montagne russe. On ne contrôle plus grand chose pendant de longs dizièmes de secondes, et c'est cette sensation que recherchent les big wave riders. En général on se retrouve jambes tendues le coeur dans la cervelle et le moment magique est lors du replaquage au bottom.
Ça se passe toujours aussi bien que ça ?Non, malheureusement. D'années en années, avec l'expérience et la confiance en soi qui augmentait, mon naturel a eu tendance à revenir au galop, j'étais plutôt du genre à enchainer les drops profonds au peack au lieu d'attendre patiemment les plus grosses plus au fond et au large dans le channel. Pour résumer, j'ai souvent pris des gros sets dans la tête. Ce qui est dangereux, voire mortel dans cette situation, c'est la répétition du nombre de vagues qu'on prend sur la tête.
Il faut gérer l'apport oxygène dans les muscles, au bout de 2 ou 3 "hold down" consécutifs d'une quinzaine de secondes chacun, les muscles du corps se tétanisent peu à peu et c'est là que les crampes peuvent vous bloquer dans la zone d'impact.
...à suivre...