Ça fait un long moment que je n'ai pas eu de bonne session avec un superbe banc et j'ai l'impression que je ne suis pas le seul :
Article lu dans Sud-ouest du 14 avril 2009 :
LITTORAL. La vague des fonds sableux qui a fait la réputation des plages du Sud-Ouest tend à devenir plus instable. Au grand désappointement des pratiquants
Les surfeurs inquiets pour leurs spots
C'est un bruit qui court les plages de la région, qui enfonce le front littoral et s'en va se répandre à l'intérieur des terres : c'était mieux avant. Quoi donc ? La saveur de l'aubergine ou le design des berlines ? Non, il s'agit des spots de surf du Sud-Ouest. Pas la vague basque qui naît sur les fonds rocheux, mais ses voisines lando-girondo-charentaises qui déferlent sur les bancs de sable. Le fameux « beachbreak » qui draine depuis des décennies des surfeurs débarqués des rivages les plus lointains.
Quand on n'incrimine pas la faiblesse de la houle, on remarque que les « gauches » comme les « droites » - suivant le sens du déferlement - ont une fâcheuse tendance à fermer, c'est-à-dire à casser brutalement sans dérouler. Ce qui les rend insurfables. « Auparavant, les vagues étaient de temps en temps de mauvaise qualité. Maintenant, on aurait tendance à dire l'inverse. Et surtout, ça change très vite, d'une marée à l'autre », résume Laurent Rondi, le président du Lacanau Surf Club, qui se charge, par ailleurs, de la communication de la Fédération française de surf.
Ce verdict est largement répandu au sein de la communauté des surfeurs. La vague a perdu de sa fiabilité. « Les bancs sont stables moins longtemps, c'est clair, net et précis. Dans les années 80, quand on organisait une compétition aux Estagnots (NDLR : à Seignosse), on savait qu'on allait sans problème tenir jusqu'à la fin de la semaine. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Il faut analyser tous les jours et ne pas hésiter à bouger », acquiesce le Landais Charley Puyoo, qui a une longue carrière de compétiteur et d'organisateur derrière lui.
À mi-chemin - géographique - de ces deux avis, Philippe Queyroux, le président du Biscarrosse Surf Club, s'interroge lui aussi. « Depuis dix-douze ans, la qualité des vagues a baissé. On observe, on ne dramatise pas. Lacanau, par exemple, a connu ce phénomène et puis leurs bancs sont redevenus bons. Mais si les conditions devaient encore se dégrader, oui, ça deviendrait inquiétant pour la pratique, les écoles et les compétitions », admet-il.
Des bancs tout droits
Nuancé et prudent, le sentiment général est difficile à étayer scientifiquement. La morphodynamique des vagues est une science à filer des maux de tête. « Quelque chose de très complexe à aborder tant le nombre de facteurs à intégrer est important », confirme Nadia Sénéchal, océanographe, enseignante-chercheuse à l'unité Epoc (Environnements et paléoenvironnements océaniques) du CNRS/Bordeaux 1. Depuis quelques années, les universitaires amassent quantité de données sur le sujet. Des caméras numériques haute résolution sont, par exemple, tournées en permanence vers l'Océan depuis avril 2007 à Biscarrosse. Mais mettre en équation une baisse de qualité - notion subjective - des vagues est une autre paire de manches.
On peut tout de même risquer une explication à l'examen de la plage sous-marine. Les soupçons se portent sur la barre dite subtidale, ce gracieux croissant de sable, englouti sous quelques mètres d'eau à marée haute. C'est sa forme arrondie qui détermine la régularité de la déferlante. Et c'est là que le bât blesse. En maints endroits, les barres sont rectilignes - d'où des vagues qui cassent sur toute leur longueur, comme des murs d'eau qui s'abattent - et ont migré vers le large. « Typiquement, on voit que ça déferle parfois à plusieurs centaines de mètres de la côte. Ce n'est pas alarmant, il ne faut pas s'imaginer que les choses vont rester en l'état quinze à vingt ans. Néanmoins, la migration des barres vers le large est plus rapide que leur retour en croissant à proximité de la plage », ajoute Nadia Sénéchal. Celle-ci cite parmi les spots atteints par ce syndrome le « Bobby », une vague bien connue des spécialistes au nord de Biscarrosse.
Dans l'inconnu
Il est compliqué de statuer sur l'origine d'un tel phénomène, qui ne se traduit pas uniformément sur l'ensemble du littoral régional. Le régime de houle - plein ouest ou nord-ouest - a son importance. Tout comme le brassage des fonds par les tempêtes hivernales, lesquelles (Klaus et Quinten) auront été particulièrement marquantes en 2009.
Par ailleurs, l'érosion marine qui grignote le littoral en accéléré bouleverse elle aussi l'allure des bancs de sable. On suspecte, enfin, la main de l'homme d'interférer avec les phénomènes naturels. En fixant les dunes, en limitant autant que faire se peut l'érosion qui dévore le trait de côte, en construisant au bord de l'eau, il impacterait les transferts de sable entre la dune et la plage. Vrai ou faux ? « La digue du port de Capbreton joue un rôle à La Piste, plus au sud, où la plage est attaquée. On sait aussi que la digue du Boucau a des conséquences du côté d'Anglet », pose Charley Puyoo. Mais, par ailleurs, il est des spots qui déroulent à merveille sous des dunes fixées. Et d'autres qui désespèrent le gang des Lycra dans des zones inviolées. Alors, qu'en conclure ?
« Souvenons-nous que le nombre de pratiquants a notablement augmenté sur la dernière décennie. Auparavant, quand il n'y avait pas de bonnes vagues l'hiver, il n'y avait pas grand monde pour en parler ! C'est aussi ce qui fonde l'incertitude de la discipline. On ne fait pas du surf comme on réserve un court de tennis. À l'instar du ski, l'économie du surf repose sur un élément naturel. Et elle a de beaux jours devant elle en Aquitaine », veut croire Laurent Rondi. Il n'est pas interdit d'y souscrire.
Auteur : jean-denis renard