Chers pottoks fougeux,
C'est à 9 ans que je me suis allongé la première fois sur une planche de surf. Bernard, le prof, m'avait dit de rester couché et de m'agripper à la planche. Et éventuellement de faire en sorte de tourner si je fonçais sur quelqu'un.
Il m'avait appris la technique de l'hawaiien, qui consiste à se retourner sous la planche, tout simplement, en guise de canard.
C'est ainsi que mon seul et unique cours de surf se déroula : il me lança sur une vague à Parlementia, durant une mi-marée estivale, et je vis défiler à toute vitesse chaque rocher comme autant de shoot d'adrénaline, en même temps que je surveillais si je ne fonçais pas sur quelqu'un
Je barbotais déjà joyeusement dans les vagues, et j'ai continué à barboter par la suite. Sans planche, mais non sans palmes. Et puis j'ai fini par quitter la zone des baigneurs pour aller taquiner la zone des surfeurs. Avec des palmes comme on en fait plus du reste, entre la palme de plongée imbitable, et l'espèce de planche à pain trop courte qu'on fait de nos jours.
Non, une vraie palme avec un chausson entier qui te prend bien tout le pied dans lequel tu ne nages pas, une voilure bien ample pour remonter au peak tranquillou, et avoir du jus au moment de l'engagement, mais assez souple pour ne pas te détruire la jambe...
Roses fluos qu'elles étaient, comme mon maillot de bain
Et puis à 16 ans, j'ai eu mon premier job d'été. Et donc mon premier salaire. Qui a servi à payer ma première planche. Ma seule planche. Mon unique planche. La planche que j'ai cassée en deux le 24 septembre dernier à l'aube de mes 33 ans.
Cassée en deux. Cassée nette pour la mousse. Déchirée pour la strat'.
En 98, elle avait descendu et remonté une épaule de 3 mètres à Parlementia. C'est son plus gros souvenir.
Elle n'a jamais fait de tricks de la mort qui tue: ce qui lui plaisait, c'est de shooter. Et puis à sa retraite dans le 17, elle était un peu malheureuse. Faut dire ce qui est. A part une fois par mois peut-être: à la faveur de superbes conditions à Grand-Village (un magnifique 1m20 un peu plat mais superbement ouvert sur une immense longueur) ou vers le phare de la Coubre, où une section d'1m50 assez creux envoyait un bon gros shoot de 20 mètres d'accélération.
Reste qu'après plus de 10 ans de services, ma Crivella (1,93m*45cm*5cm) a fini par ne plus y croire. Et moi non plus. Quelque-part entre l'inside et le peak, dans le bordel venté d'une barre modeste où le seul salut réside dans le pire late take-off... mon dernier appui fut trop appuyé et fatal.
Sur le coup, ce 24 septembre en fin d'aprés-midi, je n'ai pas compris pourquoi j'avais décroché. C'est en tirant sur mon leash, en me remettant à la rame, et en sentant comme une grosse méduse mollassonne sous le bide que j'ai saisi la situation.
Ce drop était sympa. Je m'y suis bien engagé. Mais sous mon poids, la vitesse, et la pression de l'eau si justement incompressible, elle a rendu les armes. Si ce n'est pas glorieux, au moins, sa fin n'est pas indigne.
Je poste une toph au cas où le "décorateur"' reconnaîtrait sa planche, ce qui serait assez fun
Je l'ai acheté à Christophe Reinhard (dsl si j'écorche le nom). Il a d'ailleurs toujours son école de surf, concrétisée par un petit cabanon bien roots juste à l'entrée du Café Loko (bien cool d'ailleurs), en face de l'ancienne gare de Guéthary, nouvellement le syndicat d'initiative.
Je dis pas que j'ai son talent, son spirit ou que sais-je... mais je pense que les jours où il m'a vendu cette planche, il m'a pas pris pour un con et à plutôt veillé à mon bien.
Avec mes 65kg tout mouillé de l'époque, cette planche était vraiment parfaite pour un bidart-centre propet, ou un parlementia matinal. Et comme il l'avait dit, cette planche deviendrait plus technique au fur et à mesure que je prendrais du poids et de la graine.
Le pire, c'est qu'il a refait lui même le nose de cette planche, qu'il a bien voulu que je sois là pour voir ça, et le temps de l'immobilisation de la board du séchage, il m'a prêté gracieusement un mini-malibu sans autre forme de procès.
Un jeune collègue à lui de son shop était persuadé que je venais gruger: j'étais revenu rendre le mini-malibu pour prendre la planche. Et il était convaincu que les sous que je donnais pour prendre possession de ma planche ne couvrais que le prix du leash...
A l'époque, j'étais en vélo. Et je ne voyais pas l'intérêt de pousser à 2km vers les surfshops de Bidart...
Bref, faut que je m'achète une nouvelle planche. Et je sais pas, mais quelque-part, je ne me vois pas trop entreprendre plus de démarches que maintenant, sans lui faire savoir que la planche qu'il m'a vendue est morte.
Si j'avais des thunes, je lui redonnerais la planche avec un billet... Mais y'a des chances qu'on soit aussi handicapé niveau business, l'un que l'autre.
Quand j'irais chercher ma machine-à-laver (qui date des années 80), j'espère le voir. Et même si ma rallonge après dix ans n'est que 5 ou 10 €, j'essaierai de lui expliquer mon geste, en disant que pour moi, 8 euros c'est un trip de 2-3 jours sur les cotes charentaises, ou pratiquement une semaine de nourriture.
A mes 16 ans, quand je lui ai acheté la planche, le surf business ressemblait encore à ça: