Il y a un an, Tom Frager (http://www.tomfrager.com), artiste-surfer, a été l'un des tout premiers à nous donner sa confiance pour l'une de nos interviews. Aujourd'hui, fort d'une actualité dans le domaine de la musique et désireux en tant que membre du forum de nous faire partager son dernier surf trip aux Mentawais, il revient répondre à de nouvelles questions...
Salut Tom, tu as accepté il y a un an de répondre à une de nos premières interviews, depuis le forum a pris de l'ampleur et trouvé une certaine vitesse de croisière. Et toi de ton côté, quoi de neuf ?
Salut à tous ! Je suis content que votre forum évolue bien, c'est cool de pouvoir venir échanger quelques tranches de vies et rencontrer des passionnés de surf. De mon coté, beaucoup de concerts, la sortie de l'album "Better days" a fait l'objet de très longues négociations avec les labels et maisons de disques car il fallait trouver les bonnes personnes pour travailler intelligemment la médiatisation du groupe.
Nous n'étions pas "chauds" pour les majors, et nous avons opté pour un Éditeur et un Label sérieux et plus indépendant.
Tu viens de sortir un nouvel album. Mais comment se gère la création d'un nouvel album ? Du premier jet d’écriture des textes et de la musique à la sotie en bac du CD, il se passe réellement combien de temps ?
Je pense que ça dépend des artistes, des projets... De notre coté, nous aimons prendre le recul nécessaire, avant de dire OK ça sonne comme on veut... certaines chansons m'ont pris 15 minutes à écrire et enregistrer dans la foulée, d'autres ont nécessité plusieurs mois de maturation et d'écriture.
Ensuite vient la phase "arrangements", mixage et mastering, qui compte beaucoup aussi sur le résultat final de la production d'un album.
30 musiciens ont participé à l'album "Better Days"... parmi eux Lee Ann et Tom Curren, Amen Viana (guitariste de Keziah Jones), LovyJam (ragga man de la gwadloupe) et Ben Mazué (primé jeune talent Paris 2008) donc un album très éclectique... soul, reggae, mais aussi jazz manouche sur le titre "alice" etc...
Je suis actuellement en train de préparer le 3ème album (et oui on enchaine) !!!
2 clips ("lady melody" et "give me that love" ont été réalisé par le réalisateur d'Ayo et Christophe Maé, "pietro di Zanno"...
Les clips en question :
Lady Melody
Give me that love
As-tu signé avec une maison de disque ou est-ce l’aventure à chaque nouvel opus ?
J'ai signé exclusivement pour l'exploitation de "Better Days"... je ne voulais pas signer ce qu'on appelle un "pack de préférence" qui m'aurait lié à une maison d'édition sur plusieurs albums à venir...
Je préfère voir comment cela se passe sur cet album avec eux, et pouvoir rester libre de travailler avec d'autres gens également.
Cette dernière te laisse-t-elle libre de tous tes choix artistiques ? Choix du producteur, du single de promotion, nombres de dates de concerts, de l’ambiance graphique, des musiciens...
Il y a des concessions à faire, pas toujours évidentes en tant qu'artiste... par exemple d'accepter qu'un titre soit reformaté pour en faire une version "radio edit"... c'est un choix difficile... on aimerait pouvoir faire la pluie et le beau temps... mais il arrive un moment où tu te dis "soit je reste dans ma perception de la musique et je ne fais QUE ce que je veux... (et là tu fais ce que tu veux dans ta cave pendant 15 ans avec tes potes), soit "je m'ouvre un peu au business de la musique et je fais des choix stratégiques pour élargir mon public"... c'est vraiment délicat, car on peut aisément se dire qu'il faut continuer à ne faire que du bon vieux rock, ou du roots reggae mais tôt ou tard la réalité te rattrape et il faut faire vivre tous ceux qui s'investissent au quotidien dans ce projet.
Alors on fait un "single" un peu plus "formaté", mais on se rattrape sur scène en s'éclatant vraiment dans ce qu'on aime !
Les récents évènements dans les territoires d'Outre-Mer ont pointé du doigt de réels problèmes économiques. Connaissant ton attachement pour la Gwada, n'as tu pas parfois envie d'écrire des textes un peu plus engagés et ancrés dans la réalité sociale ou n'est ce pas ton désir artistique ?
Si bien sur ! Quand on grandit sur une petite ile comme la Guadeloupe pendant des années, on s'attache à la culture, aux gens, etc... C’était très douloureux pour nous de voir ça à la TV depuis la métropole... J'ai encore de la famille là-bas et on était inquiet pour eux... pour tous les guadeloupéens.
Ça m'a donné envie d'écrire, mais j'ai déjà fait ma déclaration d'amour à la gwada dans ce nouvel album à travers le titre "gwadinina"... Dans l'ensemble, je ne cherche pas à me positionner politiquement à travers ma musique je préfère que cela reste artistique avant tout.
Ce nouvel album tourne déjà pas mal et plus particulièrement en Gwada. La tournée, elle, comporte un grand nombre de dates de concert. Sens-tu une montée en puissance de Gwayav ?
C'est certain que nous bénéficions d'une médiatisation de plus en plus importante... ça se ressent lors des concerts, plus de monde qui vient nous écouter, le public reconnait les chansons, tout ça nous fait très plaisir... Nous prenons vraiment du plaisir à jouer sur scène et je pense que les gens s'en rendent compte, c'est le plus important dans cette aventure, garder les pieds sur terre, travailler pour progresser artistiquement et continuer de s'amuser comme au début !
Quand on est "artiste" et "surfer" le net ça représente quoi, un moyen de palper ce que les gens pensent de soi, un gadget, un outil de communication ? Est-on à l'écoute des critiques (positives comme négatives) qu'on peut y lire ? Est-ce un « outil » que tu prends véritablement en compte ?
Oui tout à fait... c'est un outil de communication considérable !! Cela permet d'avoir une idée de l'impact des concerts en termes de visite sur le site les lendemains de "live" par exemple...
Mais je prends du recul sur les critiques que l'on peut nous faire car dans ce milieu, quelqu'un va te dire "ça c'est bien" et quelqu'un d'autre va te dire "ça c'est nul" donc si tu prends tout, tu te perds...
J'écoute ce qu'on me dit, mais je mets un "filtre" afin de me préserver...
Le contact avec les internautes n'est il pas parfois un peu « brutal » ?
Oui parfois c'est vrai... Internet permet tout ou presque... et je crois qu'il faut faire très attention, préserver sa vie privée car ces "face book" etc., c'est une porte ouverte sur la vie privée de chacun...
Il faut être raisonnable et ne pas oublier que les gens mettent ce qu'ils veulent d'eux même... donc, beaucoup de poudre aux yeux quand même !
Tu as joué en novembre chez toi en Gwada, devant tes amis, ta famille, ta région natale. Cela a du être particulier non ?
Yes !! C'était vraiment cool !! J'étais content de jouer devant tous les surfers réunionais, métropolitains et mes potes de gwada c'était un moment unique... Lee Ann est montée sur scène pour chanter avec moi "all I can do" le titre qui figure sur l'album, un bon souvenir.
Toujours par rapport à la Gwada, tu as récemment participé aux championnats de France. Peux-tu nous dire quelles étaient tes motivations : était-ce un petit clin d'œil à ton passé de compétiteur (10 fois champions de Guadeloupe), une vraie envie de démontrer tes qualités en surf ou bien un réel retour au monde de la compétition ?
Le Comité guadeloupéen m'a offert cette "wild card" pour participer aux championnats après plusieurs années sans compèt'... j'avais à cœur de représenter dignement la gwada... oui un clin d'œil plutôt qu'un réel retour à la compétition... mais je me suis bien entrainé et je suis content de mon parcours dans cette compétition même si je manque le top 8 du classement à 1 minute de la fin de ma série...
Je termine 13ème sur les 45 surfeurs sélectionnés au départ... pas mal pour un vieux de 31 ans non ??? hahah...
Et de surfer devant ses potes et sa famille, sur son home spot, est-ce plutôt une source de plaisir ou de pression ?
Les deux mon général !! Envie de bien faire, quand tous les potes sur la plage te soutiennent... et plaisir de surfer sur les vagues de mon enfance !
Dans ce contexte, à ton avis comment te voient les autres compétiteurs ? Un artiste qui vient s'amuser, un réel concurrent, un "ancien" sur le retour ?
Je ne sais pas vraiment... La plupart des compétiteurs savent que j'étais en équipe de France donc que je ne suis pas là uniquement pour faire de la figuration... mais mon parcours de musicien prend le dessus c'est certain !
Une anecdote particulière à nous raconter ?
Oui dans les 1er tours je suis tombé avec Jean Seb. Estienne, un des fers de lance actuels de la Guadeloupe, la relève en quelque sorte… c'était sympa de se retrouver lui et moi en compétition, avec cette différence de génération, ensemble face aux autres... nous sommes passé ensemble au tour suivant, puis il a gagné la compétition et j'étais vraiment content pour lui car il méritait ce titre de Champion de France 2008.
Avec du recul, s'éloigner de la compétition ça a été plutôt bon ou mauvais pour ton surf ?
Je crois qu'il est difficile de tout faire à fond... à partir du moment où j'ai eu le déclic de la musique, ça devenait compliqué d'aborder le surf de façon professionnelle.
Ça reste mon jardin secret et j'ai besoin des vagues pour exister, ça fait vraiment partie de mon équilibre.
La compétition, c'était un jeu dans lequel je me mettais des objectifs, des défis à relever... Aujourd'hui, je n'ai plus envie de ça en surf, j'ai juste envie d'aller scorer des bons tubes avec mes copains à la Gravière ou en Indonésie !!!!... Mes objectifs de vie sont ailleurs, dans la musique, la famille, ...
Est-ce un regret pour toi de na pas avoir continué dans le monde du surf professionnel ?
Non pas du tout, j'ai vraiment poussé jusque-là où je pouvais aller... j'ai fait quelques bonnes perfs comme ma finale à l'EPSA 3 étoiles en Guadeloupe, ou ma 3ème place aux championnats d'Europe.
Je n'étais pas fait pour bouffer de la compèt' toute ma vie, ...c'était juste une bonne école qui m'a enseigné le gout de l'effort et du dépassement de soi !... Cela me sert aujourd'hui, je retrouve cet état de concentration avant les gros concerts.
Depuis que tu surfes de façon disons "free", as-tu exploré dans ta pratique des choses que tu n'aurais jamais tenté en compétition ?
C'est une façon de surfer différente oui... plus instinctive, moins formatée, dans laquelle je m'épanouis d'avantage... mais les meilleurs compétiteurs sont finalement ceux qui savent surfer en compétition avec autant de liberté qu'en free surf !! Les gars n'hésitent pas à envoyer des gros airs en compétitions aujourd'hui !
Ton frère Tim fait toujours de la compétition non ?
Non , il est graphiste de Volcom Europe, il fait également des expositions de ses peintures et il a une petite fille magnifique de 5 ans. Il est un artiste accompli et il a fait beaucoup pour l'image qui accompagne Gwayav à travers le graphisme des albums !
Il y a presque un an tu partais pour un trip aux Mentawai. C'était donc ton deuxième voyage là-bas. Beaucoup de surfers qualifient l’endroit de magique. Et toi, comment décrirais-tu cette région ?
C'est juste incroyable... à chaque nouveau spot tu as l'impression que Dieu a posé son doigt et à dit "là, ce sera le paradis des surfers"... et puis, au spot suivant encore pareil ! Des reefs parfaitement dessinés, pas de vent, de la houle longue bien alignée... c'est fou !... Partout sur la planète, on te dit "tu aurais du être là hier c'était beaucoup mieux"... là-bas on te dit tout le temps "tu verras demain ça va être incroyable"... et c'est vraiment à chaque fois incroyable !!
Ton objectif pour ce trip aux Mentawai c’était : surfer un maximum de vagues de rêves, se reposer 15 jours entre amis au soleil et sous les vagues, faire un break par rapport à la musique, au contraire prendre du recul pour écrire de nouveaux textes ?
Oui tout ça à la fois... faire un break, prendre du recul, profiter pour surfer un max avec mon frangin et mes meilleurs copains de gwada... ce sont des moments propices à l'écriture donc durant les longues traversées, j'en profite pour composer sur ma petite guitare de voyage.
Il existe certaines vagues aux Mentawai qui nécessitent un certain engagement et où l'erreur pardonne peu... Quand on s'engage sur ce genre de vagues, est ce que l'on y pense ?
Oui... il ne faut pas perdre de vue qu'on peut se blesser sur ces vagues, mais on s'habitue au spot et petit à petit on se laisse aller... on prend gout aux tubes, on veut partir de plus en plus à l'intérieur du peak...
Pas de blessures ou de bobos, dans ce trip ?
De ce coté là j'ai été plutôt chanceux... mais du coté des gars, Yann Benghozi (le frangin d'Ugo) s'est blessé à la cheville dès le 1er jour, et plusieurs ont tapé le reef... quelques écorchures mais rien de très grave.
As-tu retrouvé le même engagement, la même détermination qu'à l'époque où tu concourais de façon régulière ?
Oui, je dirais même d'avantage... car l'expérience est un atout important dans ce genre de trips... prendre ses marques... le reef, les locaux, les bons surfeurs de passage, il faut jouer avec tous ces éléments pour faire sa place et pouvoir démarrer sur les bombes !
Une image, un souvenir particulier de ce voyage ?
Oui... un tube backside qui m'a vraiment marqué, il est sur la vidéo "Mentawai" sur le site... je pensais pas sortir de là !! Ouaiiiissss !!
Musique, voyage, surf... De l’extérieur, ta vie semble rêvée... Est ce vraiment le cas ?
Oui, j'ai beaucoup de chance de vivre cette vie là... même si les gens ne voient que la partie émergente de l’iceberg, et que derrière, il y a également beaucoup de travail et de choses à gérer. J'en profite d'ailleurs pour remercier mes sponsors à savoir VOLCOM, PUMA, SWOP SURFBOARDS, DAKINE, MUNDAKA OPTICS.
Merci beaucoup Tom pour ta disponibilité et ta gentillesse !
Le site internet de Tom : http://www.tomfrager.com
La précédente interview de Tom Frager.
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