L’histoire du surf est jalonnée d’évolutions plus ou moins sensibles du shape et des matériaux. On peut observer, au fil des ans, les outlines se modifier, les rokers se galber ou se tendre, les planches s’affiner, ou, au contraire, se raccourcir et gagner en volume. Les avancées technologiques et techniques tiennent une part importante dans cette histoire, ainsi que des effets de mode, mais c’est aussi et surtout à la créativité incessante des shapers que l’on doit cette richesse toujours renouvelée des formes et des matières.
A cette dynamique première du shape viennent se joindre, avec complémentarité, celle du glaçage et celle de la décoration. La planche de surf a toujours été un objet de glisse mais aussi un objet esthétique. Cela est sans doute encore plus vrai à l’heure actuelle : les premières générations de surfeurs ont une culture surf plus conséquente qui pousse leurs exigences vers le haut. Ainsi voit-on depuis deux ou trois ans, un engouement très net pour les résines teintées dans la masse ou des décorations originales. Bon nombre de surfeurs s’intéressent bien plus qu’avant à l’histoire du surf, l’accès à ce savoir étant, bien entendu, facilité par Internet et la diffusion des magazines spécialisés. Le travail du shaper est d’adapter en permanence son shape au niveau du surfer, à sa façon de bouger sur la vague, voir aux types de vagues surfées, afin de lui permettre de maximiser sa progression et son plaisir. Mais le travail du shaper, c’est aussi, en parallèle, de proposer une large gamme de possibilité de décorations.
Personnaliser une planche, c’est y transposer ses goûts, son univers graphique, ou se laisser aller à la créativité de celui qui fait la déco. Les choix sont infinis et ouvrent une multitude de perspectives esthétiques. En fonction de la décoration souhaitée, plusieurs techniques peuvent être mises en œuvres, parfois de façon additionnelle.
Le papier de soie : placé sous la fibre, c’est un dessin qui doit rester de petite surface pour éviter toute délamination. Le papier de soie permet de dessiner à plat et donc plus facilement, mais sa fragilité rend le travail de peinture délicat. L’intérêt de cette technique est de faire courir peu de risque à la décoration car elle est sous la strate et donc plus protégée qu’une peinture en surface. Les logos sont d’ailleurs sérigraphiés sur ce type de papier.
La peinture directe sur le pain de mousse : on peut apposer la peinture directement sur le pain en utilisant le pinceau ou un aérographe. Dans certain cas, les bombes peuvent être utilisée, mais très peu sont compatibles avec la résine car les industriels rajoutent souvent des solvants qui vont mal réagir avec cette chimie.
- la peinture directe au pinceau permet de couvrir de très grandes surfaces, mais le travail est long et difficile à cause de la texture granuleuse du pain et ne permet pas la même précision que sur du papier. L’effet est quand même très intéressant pour réaliser des all-over ou des dessins trop complexes pour une technique de type pochoir.
- l’aérographe peut être utilisé pour réaliser des couleurs uniformes, des dégradés, des pochoirs. On peut aussi s’en servir comme d’un pinceau, mais avec un rendu plus diffus. Le travail à l’aéro est souvent long car il faut fabriquer les couleurs (la peinture doit être assez liquide afin que l’outil ne se bouche pas) et il faut intégralement nettoyer la buse entre chaque nouvelle couleur. De plus une couleur nécessite environ trois couches distinctes et un séchage entre chaque couche pour atteindre une intensité satisfaisante. L’opération de séchage entre chaque passage évite les amas, les coulures, les surcharges... Pour travailler en pochoir il faut en général scotcher la planche, dessiner ses formes, puis les découper au scalpel, ce qui implique parfois plusieurs heures de travail rien que pour cette étape. A l’aéro, le travail est donc long, même pour une couleur uniforme.
La peinture post glaçage : réalisée sur la planche finie, cette technique permet des dessins de toute taille et d’une précision extrême. On peut dessiner une esquisse au crayon puis réaliser la peinture au pinceau. L’accroche de la peinture sur la résine qui est très lisse oblige souvent à plusieurs passages (comme à l’aéro), avec séchage intermédiaire, pour obtenir une couleur suffisamment couvrante. On peut aussi utiliser des Posca. La peinture est ensuite vernie ou recouverte de gloss (on peut obtenir des effets de profondeur en superposant les couches peinture / gloss)
La résine teintée dans la masse : cela consiste à rajouter des pigments de couleur très concentrés à la résine pour travailler celle-ci comme une pâte colorée. L’intérêt de ce procédé est la profondeur de la couleur qui, étant incluse dans la masse, joue avec la lumière comme peuvent le faire les émaux ou les porcelaines. Cette mise en œuvre exige une très grande dextérité et de la vitesse de réalisation. On ne connaît jamais à cent pour cent la teinte finale que l’on va obtenir, car celle-ci dépend des mélanges réalisés (plusieurs couleurs peuvent être mixées), de l’opacité des couleurs, de la concentration en pigment, et parfois de la réaction chimique... Les couleurs obtenues peuvent être unies, marbrées, voir contenues dans des motifs réalisés au pochoir.
Ces différentes techniques laissent entrevoir l’infinité des possibilités qui s’offrent au surfeur pour répondre à ses choix. La décoration reste un plus complémentaire du shape. La planche de surf est avant tout un objet de plaisir, plaisir que l’on va chercher dans le shape lui-même qui doit répondre à des aspirations précises, plaisir que l’on peut aussi trouver dans l’esthétique de la planche qui confère à l’objet une dimension artistique. Art du shape et décoration sont les deux facettes d’un travail en concertation, à l’écoute des surfeurs, des tendances, toujours à la recherche de nouvelles formes de planche et de nouvelles innovations graphiques.
Frédérique Seyral
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