L’intérêt pour les formes et courbes anciennes de shape ne cesse de grandir. Chaque jour des planches appelées « old school » sortent des ateliers de shape pour le plus grand bonheur des surfers. Ces derniers retrouvent ou découvrent tout simplement des lignes anciennes ou inspirées du début du shape. D’autres vont plus loin et redonnent une seconde vie à des planches ayant déjà une histoire et ayant vécu mais qui vont grâce à des mains expertes et passionnées s’offrir une nouvelle glisse. Ainsi deux planches du shaper Français Joël Roux ont retrouvé dernièrement toute leur grâce et leur beauté. Nous vous invitons dés à présent à suivre ces deux aventures à la fois distinctes mais aussi semblables de redécouverte d’un certain esprit du shape.
Première partie : Antoine
Le début de l’histoire se passe à Bordeaux et se finit à Nice, une chevauchée fantastique pour une planche magnifique dont voici le récit.
En avril 2007, connaissant ma passion démesurée pour le surf, une collègue me demanda si j’étais intéressé pour récupérer une planche de surf. Elle appartiendrait à son cousin, qui l’aurait lui-même récupérée dans une décharge sauvage, dans l’espoir de se mettre un jour au surf. Le courage et le temps n’étant plus de mise, elle croupirait dans un pseudo garage depuis près de 2 ans, dans l’attente d’être de retour aux ordures pour être éventuellement recyclée en string de pieds (ou tong pour les novices) sans passer par la case océan.
Tel un bon samaritain, sauveur de planches de surf à l’abandon, je lui répondis nonchalamment : « pourquoi pas !?! », sous-entendu : « un peu mon neveu qu’j’en veux d’ta board des années 30 ! ». Je ne pouvais dire non à une si belle offre, surtout pour ce prix (environ 0 euros !!!). Les semaines passèrent et l’histoire se tassa quelque peu. Et puis avant-hier, cette collègue me relança avec un bon vieux : « Dis donc, ça te botte toujours la planche de mon cousin ? ». Ma réponse fut « oui évidemment !!! » et je me suis retrouvé face à une petite merveille.
Bon c’est vrai qu’au premier abord, l’état général est plutôt moyen, mais elle à quand même de la gueule. Un bon vieux single en forme de table à repasser. J’étais justement à la recherche d’un shape oldschool… Et là, mieux que du néo-rétro, c’est du vrai rétro, avec la poussière d’époque et tout et tout…
J’étais aux anges. Je me suis alors empressé de rentrer chez moi pour nettoyer cette belle trouvaille et aussi me jeter sur le net pour trouver plus d’info sur le nom inscrit sur le dessus : JOEL ROUX ! A priori ce nom ne me disait rien, et pourtant… Après quelques cyber-recherches, je réalise que j’ai entre les mains, une planche shapée par un des premiers shapers français (« Joël Roux, premier shaper français des années 70 ne travaille plus le pain de mousse mais le bois, le métal et la peinture acrylique. Ces œuvres, qui n’ont pas grand-chose à voir avec le surf, si ce n’est l’inspiration que Joël puise durant une petite session de surf à la Côte des Basques, sont très cotées dans les milieux artistiques »). WHAOUUU, me dis-je ! Quelle chance, en cette année de cinquantenaire du surf en France de retrouver une planche de cette époque. Cette planche est donc plus bourrée d’histoire que de mousse. Une véritable œuvre d’art en quelque sorte.
L’objectif principal fut donc de lui redonner une deuxième jeunesse. Pour cela, je suis rentré en contact avec quelques shapers pour en savoir plus sur ce modèle, dans le but de lui faire retrouver le chemin des vagues (qui doit bien lui manquer !!!), et ressentir ce qu’ont pu ressentir les pionniers du surf en France, en chevauchant de tels engins. Ces recherches m’ont permis de découvrir Jeffrey Swartwood, un shaper de Cestas à côté de Bordeaux et d’origine Californienne. Ce mec est capable de redonner vie à n’importe quelle planche peu importe son état. En plus il sort quelques modèles oldschool qui valent bien le coup d’œil.
Vue mes connaissances en matière de shape, c’est donc lui qui me restaurera ma planches et personne d’autre. Le souci est qu’il croule sous le travail et que les délais sont importants (à savoir plusieurs mois). Autre Hic, ma copine étant mutée, je parts 2 mois plus tard m’installer dans le sud est, du côté de Nice, chez BRIIICE !!! Cruel dilemme pour mettre en route cette restauration. Le budget étant serré je décide de laisser la planche chez ma sœur en attendant de revenir sur Bordeaux et de rencontré Jeffrey. Mais quelques semaines plus tard (juillet 2007) je me lance et décide de laisser mon œuvre d’art dans un surf shop bordelais qui la transmettra à mon sauveur, au risque de ne pas la revoir de si tôt.
S’en suit l’installation à Nice, 900 km plus loin. La découverte d’un nouveau terrain de jeu m’enchante, plein de spots inconnus à découvrir. Je prends ceci comme une expédition même si je sais déjà que ça surf par là-bas (la preuve sur mon blog : http://antxon.agoride.com/ ).
Je passe un hiver des plus sportifs, avec du surf et du ski toutes les semaines, hallucinant pour le flat country !!!
Revenons à nos moutons ! Le single Joël Roux est loin de tout ça et je ne suis pas prêt de le revoir puisque début janvier j’attaque une formation qui me tiendra bloqué dans le Sud-Est jusqu’en Octobre 2008. Pendant tout ce temps je suis en communication avec Jeffrey pour se mettre d’accord sur l’ampleur des travaux et ce qu’il compte faire. Le bilan est le suivant : la planche ayant perdu une parti de son tail devra être reshapée à ce niveau là, la dérive repositionnée et refixée correctement (et pas à l’arrache comme elle l’était jusqu’à présent), tous les trous seront comblés et un glassage complet sera réalisé. La pose d’un pontet à la place d’un plug sera plus cohérent avec l’âge de la planche. C’est au niveau financier le maximum que je puisse me permettre. (Si seulement j’avais la place et les outils nécessaires pour le faire moi-même).
Je suis enfin remonté sur Bordeaux au début du mois de novembre dernier, et j’ai alors pu récupérer mon joujou, à nouveau surfable. Enfin presque puisque dans la précipitation de ma venue, Jeffrey a du finir la planche au plus vite et a complètement zappé le pontet. Vu que je tiens beaucoup à cette planche je ne compte pas trop la surfer sur les reefs de chez moi et de risquer de lui remettre un pète. Mais dès que cela sera fait, à moi les grandes courbes et le surf oldschool comme à l’époque…
Comme quoi surfer ce genre de planche se mérite !
Deuxième partie : Chacal
Who the f*** is Joel Roux ?
C’est par une belle soirée de surf sur Carcans dans le milieu des 90’s que je fis la connaissance de M. Enfin, une de ses créations tout du moins. Comme le Stray Cat Strunt, "I got my dinner from a garbage can", je l’ai trouvée dans les poubelles, dérive arrachée et tail explose. Des brins partout. Je n’y connaissais rien a rien, ce que nature offre, prends, ça pourrait toujours faire chouette dans le salon. Ou un banc un de ces quatre. Elle trôna donc dans mon salon pendant quelques années, derrière les barriques qui servaient de bar.
La vie fit que j’eus l’occase de partir vivre un bout en Californie. Et là-bas de travailler chez Joe Roper "Surfboards Repair", ceci pendant presque 4 ans. J’y ai appris le métier de glasseur. Le plus gros shop de San Diego, 100 a 150 planches réparées par semaine, le patron ? une légende à Big Rock et membre éminent de l’honorable Wind and Sea Surf Club. Tu vois pas de quoi je parle ? Relis ton Surfer’s Journal #27 avril mai 2001. Parce que moi je suis fan ! Et quand on a le choix entre Baltimore ou l’endroit dont la moitie des photos et articles sont tirés, on ne met pas 10 ans à cogiter !
Bref, l’hiver on en profitait pour faire des restaurations. Et la je parle de planches même pas en rêve j’en avais vu. Bing Bonzer shapée par Eaton, Greg Noll, Da Cat, Ekstrom, début des années 60 ; Bing Nuhivaa rouge de toute beauté trouvée par un collectionneur fou sur E-bay, Hobie, Phil Edwards avec le logo en papier argentée, j’en passe. Comment ne pas traiter ces objets avec passion et les restaurer au mieux sans apporter de modif. personnelles.
Faire un diagnostic précis du travail à effectuer pour lui redonner une seconde jeunesse. D’abord est ce que la board resurfera ? Parce que c’est pas pareil ! Va traverser la dune en plein cagnard avec un 10’ Hansen !
Dans le cas qui nous intéresse, le shape de cette planche m’intriguait. Je sais pas pourquoi je la voyais bien rider un bon mur bien droit. Le shaper devait savoir manifestement ce qu’il faisait et je le répète je n’y connaissais rien. On s’aperçoit de suite que l’on n’a pas à faire à une saucisse. Même avec ses gros rails bien épais à la Terry Fitzgerald et ses 2 gros wings. L’esprit d’Aloha mec !. Je vis bien plus tard des planches shapées par Lopez, Barnfield et autre Parrish et ma foi, cette Joël Roux a de la figure.
Donc elle resta sans nom jusqu'à ce que je la montre a Kim Kamikaze qui me dit : « tiens, une Joël Roux ! »
Who the fuck is this dude, Dude ?
Deux Kahunas de Shaperoom.net ont éclairé ma lanterne : Balsa la bible et Slide qui a bien connu Joël Roux. Je ne peux pas en dire plus que ce que je sentais intérieurement : le shaper était loin d’être manchot et la shape s’inspire des meilleurs design de 70’s notamment des Lightning Bolt faites pour Sunset beach, hawaii.
J’ai donc mis une 15aine d’années pour faire revivre cette planche. Il me fallait devenir glasseur et posséder mon propre shack.
Reshaper une dérive. Template inspire de la bonzer True Ames 7’, récupérer une chute de contre-plaqué de peuplier chez Kim Kamikaze qui était devenu un kitesurf.. Profiler une dérive est très compliqué. Kim « the Dude » pour le partage de l’expérience.
Le tail, trop explose pour être réparé, j’optais pour un tail block découpé dans un montant de porte. J’ai du le strater 2 fois car le bois avait trop dégazé et c’était moche.
Y’avait des réparations datant de plusieurs époques. J’aurais pu masquer à la peinture mais j’aime bien justement ces cicatrices dans une planche. C’est un peu sa signature. Une vie bien remplie.
Je voulais que cette planche soit re-surfable donc j’ai fait light. Je ne pouvais pas toucher au dessin du milieu de la planche car en résine teintée, il aurait été perdu à la cause. Donc ne réparer que les rails, refaire les pinlines, glosser et relustrer.
Restaurer une pièce de collection est un travail très différent du simple fait de réparer une planche. Il faut beaucoup d’heures de travail et de passion. Les résines et vernis de l’époque sont si durs qu’ils doivent être attaqués à la meuleuse. Et puis, tout était fait à la main, donc le shaggyshack se fait un point d’honneur à travailler sur ces engins comme tant de glasseurs anonymes l’ont fait depuis que la résine polyester enrobe nos os de seiche préférés.
Et maintenant, quand même, à cote de ma Jacob ça déchire grave dans le salon !
Le blog de Mister Chacal ici :
A suivre : Bio de Monsieur Roux par Slide et le making-off par Jeffrey Swartwood... Elle est pas belle l'année 2009 ?
liste des interviews de surfrepotes