Bon, j'ouvre le bal.
Réveil nocturne pour moi. Vous me direz, ce n'est pas difficile à cette époque de l'année...
Je profite pour la deuxième fois en ce début de contrat, du privilège que j'ai de ne travailler que quatre jours par semaine...
Après un rapide café, je met la clef dans le neiman. Les informations matinales m'assènent leur flot de tragédies : une femme s'immole par le feu, un agresseur sexuel avéré est relâché car il y a prescription, son avocat se permettant même d'ironiser sur la gravité des faits. Je fais la moue.
En traversée de Ploemeur, je me demande ce que je vais trouver à l'océan. D'après ce que j'ai vu hier en début de soirée avant de tomber de fatigue, la houle ne sera présente que dans la nuit de Samedi à Dimanche. Tant pis, autant aller voir.
Les informations dérivent sur la politique intérieure cette fois. J'entends parler de débats, et d'histoires de Droite dure et de Gauche molle...
Le jour se lève avec torpeur.
En vue du Fort Bloqué, je vois quelques micro lignes lissées par un léger vent de Nord. C'est de bonne augure. Quelques centaines de mètres plus loin je m'arrête à l'endroit, où, d'un commun accord avec Sly nous disions avoir eu nos plus belles sessions Lorientaises. Je fais quelques pas pour passer la petite dune, j'ai froid.
Le spectacle est à la fois beau et maussade. Il fait gris, la brume remplis le ciel. La mer est métallique, lisse comme une peau de bébé. De longues lignes arrivent à une période correcte et frappent doucement le rivage. Je suis content d'être venu. Un homme rame déjà au pic, je ne serai donc pas le premier. Je vais me changer sans me presser, j'ai le temps. J'ai peur d'avoir froid avec ce vent de Nord, j'enfile donc ma 5/3 et mets les chaussons. Précaution qui se révèlera inutile.
Je prends Frankenstein (mon egg maison) c'est joli mais ce n'est pas suffisamment gros et puissant pour réveiller le fish.
Je file au pic, salue mon ami à usage unique du jour, puis vais me placer plus à l'est, vers une jolie droite. Les séries mettent du temps. Les belles séries encore plus. Par contre elles sont conséquentes en nombre de vagues, il n'est pas rare que je puisse prendre deux vagues par série. Sur les plus belles, la face m'arrive à hauteur de hanche. Paradoxalement, même si la houle est molle, un beau mur se tend, une grande épaule file.
C'est tellement pas si mal que je songe parfois à sortir chercher le fish.
Je prend quelques unes de ces droites dures avec un plaisir certain. Le regular que je suis étant frustré de n'avoir surfé que des gauches de qualité depuis ma visite sur Oléron avec Sly. Sur l'une d'entre elle, après un de mes plus beaux bottoms du jour et quelques ondulations qui me feront prendre de la vitesse, une section ferme. Instinctivement, je remonterai la face pour la première manoeuvre de mon histoire de surfeur qui ressemble à un floatter. J'en sors avec suffisamment de vitesse pour ratrapper la section suivante qui me gratifiera de ma réussite par quelques belles ondulations avant de fermer complètement.
Je suis heureux de progresser à nouveau.
Je remonte au pic, serein. Plusieurs fois je verrai des goélands surfer la face des vagues, puis reprendre de l'altitude. Deux autres surfeurs nous rejoignent.
Le descendant fait fermer mon beau banc de droite. Je quitte à regret ma solitude pour aller rejoindre mes autres amis à usage unique. Amis? Pas tant que cela, pas un bonjour, pas un regard. Je tente de les saluer, pas de réponse. Bon, pas de doute, je surfe Lorient.
La gauche de ce banc est molle et courte. Je souris intérieurement, faisant le lien avec les informations. J'en prendrais quelques unes mais au bout d'un petit temps, j'imiterai mes comparses, je sors.
J'ai encore un peu de temps, encore en combi je prendrais la route, comme souvent, pour sauter de quelques criques. Ze cliffe, comme l'appellent parfois les autres, est peuplée déjà. La marée est propice. C'est plus mou j'ai l'impression. J'y vais.
Quelques gauches, tellement peu de taille et d'épaule qu'une fois le bottom réalisé, je m'avance un peu, accroupi, plonge ma main gauche plus ou moins profondément dans la face et reste dans le "curl", sans bouger. Parfois, en se rapprochant du bord, le mur se tend à nouveau, je me redresse, recule et m'autorise quelques ondulations sur la face. La gauche molle finit par forcir...
J'ai mal aux épaules et j'ai promis de donner mon sang à onze heures. Comme un con j'ai oublié ma clef dans la voiture que j'ai fermé. Obligé de la forcer.
Je m'en vais honorer ma promesse. La radio s'inquiète encore d'élections. Je switche France Inter sur Radio Bro Gwened, le folk ira beaucoup mieux.
Fini les gauches et les droites pour aujourd'hui.
(Enfin pas tout à fait parce que je risque d'aller voir le remontant. Désolé, c'est long et romancé, mais j'avais envie d'essayer.)