Repotiens du jour, Bonjour bonjour.
Jeudi soir, comme une insoutenable envie de revivre la session de l’avant-veille sur ce fameux point break au Sud de Mohammedia. Check du vent : C’est bof, plus soutenu que la dernière fois, mais semble être orienté pareil, donc la pointe devrait protéger le plan d’eau. Check de la houle, 1,7m, ça devrait être un peu plus sportif ! Allez hop ça part !
18h15 j’arrive au pied de l’oued, le vent souffle, l’océan est bien déchaîné. Le ciel est gris, tout comme la mer, menaçante, ambiance hiver, même la température ne donne pas vraiment l’impression d’être au mois de Juillet. De l’autre côté de l’oued, à 300m environs, deux silhouettes me font signes, les amis Hatim et Youssef qui sont partis peu de temps avant moi. Enfilade de ma seconde peau, waxage de planche protocolaire, et me voilà crapahutant dans les rochers avant de me jeter dans l’oued où je me laisserai volontairement dérivé avec le courant, allongé sur la planche, bras croisé et tête soutenu par une main, histoire de raccourcir un peu la marche à pied. Une fois de l’autre côté, je me dirige vers le rocher, maintenant la planche à deux mains à cause de se foutu vent. Atmosphère un peu particulière à ce moment la d’ailleurs, je me sens un peu seul au monde, personne devant, personne derrière, ciel gris menaçant, bref comme l’impression d’avoir brusquement quitté le Maroc pour un pays sous le cercle polaire.
Le rocher me laisse découvrir au fur et à mesure de ma marche solitaire le beack break au loin, qui à l’air de ressembler à… A rien du tout en fait, ça ressemble à rien d’imaginable, peut être des œufs battus en neige à la fourchette… Maaaiiiis je suis pas inquiet j’attends de découvrir le spot bien à l’abris derrière la pointe…
Sauf que plus je dépasse la pointe, plus je découvre l’océan, plus je déchante pour enfin finir complètement face au spot et découvrir un vaste n’importe quoi de taille… Le vent s’engouffre dans la baie, l’horizon n’est pas une droite mais une masse désordonné en mouvement, tantôt liquide, tantôt mousseuse, pas de barre : L’océan entier est un champ de bataille, pas de pic les vagues lèvent d’un coup sur la droite, la seconde sur la gauche, la suivante loin derrière, une autre la devant…
Je distingue très loin deux points noirs, qui semblent être Hatim et Youssef… C’est bien eux, je reconnais vaguement Hatim qui me fait signe de le rejoindre. Alors déjà au vu de ce vaste chantier ma motivation en a prit un coup… Deuxièmement je me demande comment ont-ils pu partir aussi loin, comment ont-ils pu passer cette barrière d’écumes qui ne laisse aucun répits ? Troisièmement arriverai-je à les rejoindre ? Et enfin, les 1m7 prévu par le Guru sont bien présent, c’est gros, c’est gras, un beau hachoir quoi ! La session sent un peu l’abattoir…
Bon qu’à cela ne tienne j’y vais, je tente de gagner du temps sur la santé de mes bras alors commence le périple à pied, de l’eau jusqu’à mie cuisse, aux hanches, au torse, sautant par-dessus les mousses autant que faire se peut et qui n’en finissent pas de me repousser. A ce moment la je ne distingue plus tout mes deux compères, l’océan complètement accidenté ne m’offrant pas de vision à plus de 20m… Désormais sur la planche, je constate qu’il y a un fort courant qui tire vers le large mais conclut rapidement qu’avec toutes ces mousses ce ne sera pas difficile de rejoindre le bord. 1 canard… 2 canards… 3 canards… 4 canards… Je ne les comptes plus et m’arrêtes quelques instants pour reprendre mon souffle, tant pi si je me fais ramené un peu au bord par les suivante… La vision qui s’offre à moi n’est pas vraiment pour me réjouir à ce moment. Je suis quasiment à la hauteur des copains, situés une 50taines de mètres plus au sud, et on se croirait à… Bagdad… Allez encore un ou deux canards histoire de me mettre dans une zone plus « calme »…
Même entre deux vagues, je suis ballotté dans tous les sens, comme une fourmi dans du clapot… Je suis un peu anxieux, me demande un peu ce que je fou la… Et la série arrive, ça pète de tous les côtés, à gauche, à droite, devant, derrière, des pics difforment se lèvent brusquement partout autour de moi et s’abattent dans un fracas assourdissant, j’ai l’impression de percevoir ce que les poilus devaient ressentir à verdun lors d’un assault sur les lignes ennemis… les vagues sont impressionnantes, tant par leur taille que par leur difformité et leur côté imprévisible… Rajoutez à ça le vent, le ciel gris, l’eau presque noire, bref je ne suis pas vraiment dans mon assiette. Quelques coup de rames, quelques largage de planche catastrophe pour plonger aussi profond que possible histoire d’éviter un tire de mortier, et je rejoins l’ami Hatim.
Alors en ce qui me concerne, j’ai pas franchement envi de rester ici, mais j’ai pas non plus vraiment envi de rentrer à la rame, non non je veux sortir par la grande porte, debout, fier ! Mouais… Enfin fier à ce moment la j’étais loin de l’être…
Un nouveau pic difforme se dirige vers moi, je devine qu’il va dérouler légèrement sur ma gauche m’offrant ainsi une épaule libre pour partir en droite. C’est franchement gros pour moi, mais je veux tenter le coup, et surtout je veux retourner sur la terre ferme ! Alors je tente le coup, pars légèrement en biais, la vague enfle, et se creuse face à moi, un mur quasi vertical à ma gauche, une pente plus douce à ma droite, un gouffre face à moi, ça faisait un paquet de temps que je n’avais pas surfer si gros… Pointe de stress lorsque j’arrive au point de « non retour » où les choix de possibilité se limitent à prendre une raclée d’anthologie ou se lever… J’ai choisis de me lever…
Take off et j’ai l’impression d’être en équilibre les pieds joints sur la terrasse du premier étage d’un immeuble, et descente… Wahou le genre de descente où je sens le cœur remonter sous la vitesse, où mes jambes servent d’amortisseur pour tenter de contrôler le rebond de la planche sur l’eau, où je sens toute l’inertie de mes 75kilo qui me fixe sur une ligne droite impossible à arrondir sur les premiers mètres, puis enfin en bas bottom, et la encore la sensation du rail qui plante dans l’eau, les dérives qui mordent dans la vagues, et cette sensation d’écrasement comme si un géant s’appuyait sur mes épaules pour me mettre à terre. Regards sur la lèvre loin très loin au dessus de ma tête, je crois que j’ai crié de joie à ce moment la !! Quelques légères courbes où je subis presque plus que je ne contrôle avant que le hachoir géant ne se referme tout juste après que j’ai le temps de sortir par au dessus… Magique !!
Un énorme sourire aux lèvres je n’éprouve quand même pas trop l’envie de retourner tout la bas, et comme quelques bouts déjà bien balaises déroulent à ma hauteur, j’attends d’avoir la chance d’en choper une seconde.
Et elle arrivera bien rapidement d’ailleurs, une réplique de la précédente, néanmoins nettement moins balaise, quoi que toujours overhead, cette fois j’arriverai à y placer quelques courbes pseudos plus engagés avant de finir dans la mousse et retourner à la plage pour m’y reposer quelques minutes…
Hatim me rejoint, on se repose un peu, puis il me fait signe d’y retourner, il part devant, je le suis à quelques mètres.
Une cinquantaine de mètres plus loin le plan d’eau devient soudainement lisse, et je me sens comme happé vers le large. Je prends un point de repère sur le rocher et… Il défile ! En face de moi il y un espèce de mur qui se lève. Et la sale impression qu’il n’arrêtera pas de s’élever, aspirant l’eau autour de lui. Le mur devient rempart qui ne cesse d’enfler, de grossir, et moi je suis complètement aspiré. Je sens un peu la plus grosse correction de ma vie venir… Alors je le regarde m’attiré à lui, commence à m’hyperventiler au vu des trop longues secondes que je vais passé sous l’eau…
Rapide coup d’œil un peu désespéré autour de moi, je ne vois pas d’autre solution que d’attendre de prendre ma raclée… Maintenant j’ai l’impression que c’est un piège tout entier qui va se refermer sur moi, une immense bouche qui veut m’avaler, m’avaler moi… Il semblerait qu’elle ne cassera pas devant ou derrière moi, non non comme si c’était bien moi la cible…
Je me suis rempli d’air à m’en faire péter les poumons, et j’ai plongé aussi profond que j’ai pu… Moment de calme, soudain tout est serein, et j’entends le bruit sourd de la vague qui vient de s’abattre à la surface, j’ai pas eut le temps de me dire que c’était passé que l’onde de la vague m’a brusquement tordu comme un carambar et je me suis senti brusquement happé en arrière, remonté quelques centimètres sous la surface pour y replonger aussitôt… J’ai l’impression de me sentir broyé, contorsionné, l’impression de sentir mille force s’exercer sur mon corps, j’ai les jambes repliés sur moi, je me protège la tête avec les bras et j’attends…J’attends, et je sens que je suis ballotté dans tous les sens, un chiffon dans le tambour d’une machine à laver…
Le temps me parait long mais j’arrive à me dire que le plus dur est passé… Ca se calme un peu, quoi que toujours chahuté, je saisi mon leash et tire la planche vers moi. Je commence à arriver au bout de mon apnée… J’arrive à saisir la planche mais devine que je suis toujours dans le shaker, j’ouvre les yeux tout est blanc, l’instinct de survie se fait plus fort que la raison, j’expulse tout mon air, toujours la tête sous l’eau, j’ai l’impression que je ne remonterai jamais, panique, je bas des jambes pour remonter plus vite, je sens ma cage thoracique se plier sous les contractions qui me forcerai à respirer, mais je garde la bouche fermée et enfin la lumière, l’air, je sens mes poumons se remplir (Pas que d’oxygène) expulse l’eau que j’ai respiré… Pffff celle-ci je m’en souviendrai… Pas de réplique derrière moi heureusement, je prends une mousse et rentre au bord, soulagé et bien bien calmé…
20min à reprendre mon souffle, toujours face à ce foutu champs de bataille, et l’envie d’y retourner quand le plus grand des hasards fait qu’une vague déroule à peu près correctement… Et j’y retournerai ! Sauf que cette fois ci je ne m’éloigne pas, chahuté dans les mousses, j’attends qu’une vague veuille bien dérouler un peu plus correctement à ma hauteur… J’arriverai à en prendre quelques unes, mais souvent rapidement stoppé car les séries ferment… Malgré tout elles offrent de bonnes sensations, de bon coup de pied au derrière sur le take off, des bottoms super appuyés, et des prises de vitesses assez incroyable sur des séries overhead !! Tout ça a quand même a du bon ! 3 ou 4 pseudo prisent de vagues ici ou la puis retour à la plage…
Cette fois j’y retournerai pas, les 2h30 de combat m’ont exténués…