Où l'on commencera, histoire de tordre le cou au mythe du surfer écervelé, par un extrait des Chants de Maldoror, du génial Lautréamont :
"Vieil Océan, ô grand célibataire, quand tu parcours la solitude solennelle de tes royaumes flegmatiques, tu t'enorgueillis à juste titre de ta magnificence native... vieil océan tu es si puissant que les hommes l'ont appris à leurs dépens... incapables de te dominer. Il ont trouvé leur maître... tu fais valser leurs plus lourdes machines avec grâce, élégance et facilité. Tu leurs fais faire des sauts gymnastiques jusqu'au ciel et des plongeons admirables jusqu'au fond de tes domaines, vieil Océan je te salue!"
ça, en dessous c'est le Cap Beddouza :
un bled oublié à une trentaine de kilomètres au nord de Safi. Quasi insurfable car parsemé de roches sous-marines mais qui alimente une légende que nous raconte un surfeur local. On trouverait donc, au large, à quelques centaines de mètres, une ville engloutie par l'océan, Tighaline. L'Atlantide marocaine en somme. Tous les surfeur de Safi connaissent la légende. On parle de Cousteau qui comptait explorer les fonds, et on raconte aussi, que quand les grandes houles d'hiver viennent rouler jusqu'aux côtes de Beddouza, on assiste à un spectacle sans pareil. Au large d'énormes murs d'eau de près de 10 mètres s'élèvent soudainement puis disparaissent d'un coup! Au milieu de l'océan. La houle bute sur les anciennes rues de la ville, une vague se forme, se dresse, gigantesque, déroule sur quelques dizaines de mètres, suivant le tracé d'une rue, puis plus rien. D'un seul coup elle disparaît comme elle était apparue et quelques secondes plus tard, une autre, massive, apocalyptique, un peu plus près cette fois. Elle sort, s'élève du plan d'eau, tel un mur, un rempart liquide qui s'effondre à nouveau arrivé au prochain coin de rue. Scène primitive, originelle, "ça vaut vraiment le détour, faut attendre les houles de 5/6 mètres et descendre, tu regretteras pas!" me dit Najib, un local connu pour surfer la célèbre Ras Laafa (la vague de la digue de Safi qu'on classe parmi les 10 plus grosses du monde).
En route pour Oualidia, avec comme d'habitude, quelques scènes cocasses...
et autres numéros d'équilibristes...
On s'arrête d'abord en dessous de Sidi Abed,car j'ai là bas un petit secret spot sur lequel j'ai fait des sessions assez mythiques. Pour y accéder donc, route côtière, passer El jadida, puis un peu plus au sud, Sidi Abed. Sortez de Sidi Abed et continuez à tracer vers le sud. A la première station d'essence (Total pour ne pas la nommer) juste en face, il y a une piste qui traverse des marais salins. On s'y engage, passe une petite construction, et on tire sur la gauche, vers le sud. Pour ceux qui s'y rendront vous apercevrez bientôt deux caravanes qui rouillent au soleil depuis des lustres, et des chiens qui aboient.
Un des cerbères du spot.
Juste derrière ces caravanes, un poil au sud (50m peut-être) on trouve le spot en question et sa plage.
C'est une vague qui tourne avec une houle entre 1 et 2 mètres,assez creuse et plutôt punchy. Idéale pour des sessions en bodyboard mais j'y ai aussi vu des vagues plus molles (type déversement déferlant) et qui se prêtent bien à tout type de planches. Impraticable en marée haute en revanche. Idéale à mi marée ou marée basse à la limite.
Le cadre est assez sympa quand on est dans l'eau, enfin perso j'aime beaucoup.
Le lendemain on se réveille dans la brume et on va écumer les différents spots mais sans grand succès,la mer est mauvaise, et on finira quand même par se faire une session à Tomatoes beach, un spot connu à 17km au sud de Oualidia (pour trouver c'est assez simple, comptez donc 17km et cherchez une piste qui descend un peu abruptement au début. L'entrée de la piste est indiqué par une petite construction aux murs blancs, troués.
Pas de photos de session. Trop de nuage, de la plage on ne distingue pas le pic. On rentre quand même pour se retrouver dans une mer démontée, pas forcément énorme niveau hauteur de vague mais cette plage des Tomates m'a souvent collé comme un jus de trouille, ça creuse beaucoup, à marée basse ça vire limite au shore-break avec des méchants murs en bord de plage et quand la vague se forme l'eau sur le sable semble aspirée à une vitesse inquiétante, ça suce sévère quoi! Et puis une fois dans l'eau ça sent un peu les baïnes, je bois des tasses à chaque f ois là bas, ça ne manque jamais, cette fois encore. Et puis y'a ce courant qui inévitablement vous déporte toujours du banc que vous avez choisi. Les vagues sont creuses et ce sont les plus rapides, les plus énergiques que j'ai surfé (Bellota qui connait aussi le spot me contredira peut-être). Débutants s'abstenir, où alors choisir un jour de flat ou presque.
Reconnaissons tout de même à cette plage son putain de potentiel. Oui, une fois descendu de la piste et rejoint le rivage, vous pouvez tirer au nord ou au sud en longeant la plage et ce sur des kilomètres, et vers le sud y'a quasi pas un rocher, que du beach break, donc de quoi repérer un paquet de bancs et pas mal d'occasion de mettre quelque chose sous ses ailerons.
Personnellement tant qu'à être dans la région, autant descendre 50km plus au sud. Et d'une vous pourrez voir le désormais célèbre Cap Bedouzza et son hypothétique ville engloutie. Et de deux vous pourrez surfer Madame Fatna, la révélation de ce trip.
Lalla Fatna était la fille de Sidi Brahim dont la maison servit de refuge aux survivants de la colonne Montagnac. On lui prête des aventures avec des soldat français, une légende (décidément! encore!) dit qu'elle se serait suicidée car on lui aurait refuser de se marier, bref, aujourd'hui sa maison est devenu mausolée, apparemment abandonné mais où hier encore on y invoquait Lalla Fatna pour la guérison des maux de gorge, des hernies, des furoncles, des abcès et des enflures de toutes sortes. Les malades devaient s'appliquer un cataplasme préparé avec la terre qui recouvrait la sépulture, qu'ils mêlaient soit avec du vinaigre ou de l'eau, soit encore avec de la poudre de henné.
Lalla Fatna c'est aussi une longue plage niché au bas d'une haute falaise circulaire que les masses d'eau venant du large suivent parfois, formant ainsi un courant qui tire vers le sud. Mais pas ces deux jours!
A l'entrée pas de chiens aboyant et montrant les crocs en courant derrière la voiture, des rencontres oui, mais bien plus amicales.
Et une fois descendu la route c'est l'extase, un plat d'eau glassy avec des lignes qui se forment et qu'on voit venir de loin, se soulever tout proprement.
On reste là, scotchés un petit moment devant cette machine à vagues
On descend voir ça les pieds dans l'eau
C'est propre, et la couleur de l'eau n'a rien à voir avec ce qu'on trouve à Casa
Et j'en profite pour essayer mon fish (dans les petites séries! les grosses ont les prendra en body... au fait on peut avouer son penchant pour le body ici où on va me lancer des pierres?)
Malheureusement on est une fois encore rattrapé par la brume qui s'abat sans prévenir, et noie tout le spot en quelques minutes. On surfe dans cette ambiance électrique encore une petite heure et on sort, les yeux pleins d'étoiles( et du sable dans la combi), avec les locaux (très sympas, aucun localisme à l'inverse de ce qu'on peut trouver à la Bobine à Casa par exemple), dont un qui vient de plier sa planche....
Et on se promet de revenir demain car les prévisions sont les mêmes et cette fois on partira à l'eau avec l'appareil...
Ah on me glisse dans l'oreillette que je n'ai donné aucune indication sur l'accès au spot... suffit de suivre les flèches!
Et de se laisser porter par la route (goudronnée s'il vous plait).
On se repointe donc le lendemain, et on retrouve les mêmes conditions, avec peut-être même quelques centimètres de hauteur de houle en plus, et toujours la petite cahute décoré au bas de la descente qui met bien dans l'ambiance
Mais faut attendre un peu que la marée baisse un peu, on se colle donc une session en milieu d'aprem qu'on prolongera jusqu'aux dernières lueurs du jours.
Voili voilou... Le lendemain on remontera tranquille sur Casablanca, essayant vainement de dénicher de nouveau spot mais la mer est pas terrible, tout petite houle. On pense déjà que ce sera mort pour la journée, et puis arrivé à Casa, enfin un peu au sud, à Jack Beach, contre toute attente, ça tourne, pas super propre mais ça tourne, parfaitement longboardable comme l'illustre cet hasardeux take off à moitié dans les mousses.
Ah ça c'est sûr, sur le plancher des vaches on fait le fiéro, et vas-y qu'je pose, et qu'j'me la raconte, "ouais tu sais le surf...et bla et bla et bla"
Assez parlé, bonnes vagues à tous! ici ou ailleurs!