Les rames de métro New-Yorkaises.
Les habitués de Thalassa le savent déjà pour avoir vu le documentaire : à New-York, la MTA (la RATP locale) a une drôle de façon de se débarrasser de ces vieilles rames de métro : direct à la mer. Bon il y a derrière cette opération de nettoyage une intention louable : offrir aux habitants naturels des fonds marins de nouveaux habitats.
Acheminés par barges, les wagons au rancart rejoignent les 666 premiers wagons amassés sous les flots et contribuent à transformer le fond marin désert en une oasis luxuriante, tapissée d’algues, de moules bleues et d’éponges ; les rames grouillent de bars et de tautogues noirs.
“C’est une résidence de luxe pour poissons”, explique Jeff Tinsman, qui dirige le programme de récif artificiel du Département des ressources naturelles et du contrôle de l’environnement du Delaware. Le récif Redbird – du nom des rames du métro de New-York – accueille aujourd’hui plus de 10 000 expéditions de pêche à la ligne par an, contre moins de 300 en 1997. La quantité de produits de la mer au mètre carré y a été multipliée par 400 en sept ans.
Pêcheurs amateurs et professionnels se bousculent au-dessus du récif ; les lignes ne cessent de se prendre dans les casiers. L’Etat a dû demander aux autorités maritimes d’interdire la zone aux gros pêcheurs professionnels. La place commence vraiment à manquer. Voyant le succès du Delaware, les autres Etats réclament eux aussi ces wagons de métro fournis gratis par la ville de New York. Cette année, faute de rames, Jeff Tinsman a enrichi le récif d’un vieux remorqueur de 92 ans et d’un YOG-93, un remorqueur de la marine construit en 1945 pour l’invasion du Japon. Mais cinquante wagons de métro devraient arriver prochainement.
La dernière image du Yog-93
L’Etat de New York compte lui aussi construire un récif. Dès qu’il aura reçu l’autorisation des autorités maritimes, il récupèrera toutes les vieilles rames. Les wagons ne quitteront donc plus l’Etat, qui économisera ainsi quelque 2 millions de dollars de transport. Avant l’arrêt des livraisons, la ville fera toutefois sans doute un geste en fournissant une centaine de rames au Delaware, au New Jersey, au Maryland et à la Virginie.
Le New Jersey, qui avait cessé de prendre des wagons de métro en 2003 pour des raisons environnementales, en a demandé 600 à la ville de New York le mois dernier.
L’American Littoral Society, une association de protection du littoral dont le siège est à Sandy Hook, préfère de loin les rochers naturels et les blocs, plus surs et beaucoup plus durables. “Mais c’est plus cher et nous sommes sensibles aux contraintes budgétaires des Etats”, ajoutent les responsables.
Comme d’autres associations, l’American Littoral Society était opposée à l’usage des Redbird en raison de l’amiante présente (en faible quantité) dans la colle des parois et dans l’isolation des rames, préconisant l’usage des wagons en Inox, plus résistants et moins chargés en amiante. Les autorités régionales et fédérales ont cependant approuvé l’usage des vieilles rames. Selon elles, l’amiante ne constitue pas un risque pour la faune et la flore sous-marines : seule sa présence dans l’air est toxique pour l’homme.
Au cours des dernières années, les récifs artificiels ont attiré des poissons de haute mer, thons et maquereaux, qui y chassent de petites proies. Les bars affectionnent les wagons et les gros cardeaux s’installent dans la vase qui s’est déposée au-dessus des voitures, rapporte Jeff Tinsman. Le métro new-yorkais n’a pas le monopole des fonds sous-marins : automobiles, chars, réfrigérateurs, charriots de supermarché et machines à laver accueillent eux aussi les poissons.
Sources : State Of Delaware, Courrier International