Srp: Avant toute chose, je te propose de te présenter…
Guillaume Barucq, 31 ans. Surfeur depuis l’enfance (en ce moment je fais surtout du stand-up-paddle, le sport dérivé du surf le plus complet à mon sens !). En tant que médecin généraliste, j’essaie d’appliquer l’une de mes missions principales qu’est la prévention, aux sports de glisse que j’affectionne. Je ne suis pas « spécialisé » en nutrition mais je vais reprendre avec vous le B-A BA d’une alimentation équilibrée pour un surfeur sain.
Srp: Afin de partir sur des bonnes bases il serait bon de nous rappeler les principes d’une alimentation équilibrée.
Qu’on le veuille ou non, un surfeur est un sportif qui se doit d’adopter un régime alimentaire équilibré pour faire face aux dépenses énergétiques qu’engendrent ses longues rames vers le pic, les canards répétés et ses figures radicales !
Le pratiquant amateur doit suivre les grands principes d’une alimentation normale valables pour tout un chacun.
Votre alimentation doit comprendre les nutriments indispensables en proportions adéquates : environ 50% de l’apport calorique quotidien est apporté par les glucides, 30% par les lipides et 20% par les protéines. L’apport calorique de l’alimentation doit correspondre aux dépenses énergétiques quotidiennes pour garder un poids stable.
Enfin tout cela c’est pour la théorie car en pratique, on ne va pas utiliser une balance pour peser tous les aliments et une calculette pour comptabiliser les calories ingérées à chaque repas… Il y a par contre toute une série de petites règles simples à appliquer au quotidien comme :
- manger au moins cinq fruits et légumes au quotidien ,
- consommer trois produits laitiers par jour,
- prendre du pain et des féculents à chaque repas,
- manger de la viande, de la volaille, des œufs ou du poisson une ou deux fois par jour,
- faire attention avec les matières grasses très caloriques et qui peuvent faire monter le taux de cholestérol et encrasser les artères :
préférer les huiles d’origine végétale et les aliments riches en acides gras insaturés plutôt que les graisses d’origine animale (crème fraîche, fromages,…) à consommer avec modération. - éviter les grignotages entre les repas, etc.
Srp: La pratique du surf demande un effort physique d’endurance souvent ponctué par un effort de rame court mais violent. Pour cela nous savons que l’apport de sucres lents est nécessaire. Mais pour être efficaces combien de temps avant une session doivent-ils être pris et quel est vraiment leur rôle dans l’effort ?
Les glucides « complexes » dits « sucres lents » sont présents essentiellement dans les féculents (pommes de terre, produits céréaliers (pain, pâtes, riz,…) et légumes secs) et sont absorbés progressivement par l’organisme : ils assurent donc une diffusion plus lente de l’énergie. C’est pour ça que les sportifs en consomment. Ils aident bien souvent à retarder le retour de la faim. Il faut en consommer au moment du repas principal qui précède la session mais également celui qui suit pour reconstituer ses réserves énergétiques. N’abusez pas des pâtes : diversifiez vos sources de glucides complexes en alternant avec des pommes de terre, de la semoule de blé, des lentilles…
Srp: Comment pour une session à 6h30 du matin pouvons-nous gérer au mieux notre alimentation et avec quels genre de nutriments ? Devons-nous dès la veille commencer à stocker des sucres lents ?
L’idéal est effectivement de faire le plein de sucres lents la veille.
Pour une session à 6h30, le timing est trop serré pour un véritable petit déjeuner.Mais il n’est pas question de partir surfer le ventre vide ! Le petit déjeuner aura lieu en deux temps :
- une heure avant de vous mettre à l’eau, prenez par exemple un yaourt et un jus de fruits (ou un « smoothie ») et quelques biscottes.
- vous complèterez votre petit déjeuner après la session avec un chocolat au lait ou un thé léger et deux bonnes tartines de pain (pas trop) beurrées si vous vous êtes vraiment dépensés dans les vagues.
Srp: Existe-il des aliments « interdits » ou du moins fortement déconseillés ?
Non, il n’y a pas vraiment d’aliment à bannir mais des aliments qu’il faut apprendre à consommer avec modération, notamment les aliments les plus gras et les plus sucrés.
Si un gâteau au chocolat vous fait envie, limitez-vous à une part par exemple. Si vous êtes un inconditionnel de la charcuterie, ne vous en privez pas non plus mais limitez sa consommation à une ou deux fois par semaine en quantité raisonnable. Evitez de consommer trop de graisse dans la même journée en accumulant frites, chips, fromages, etc.
Si vous vous retrouvez dans une situation où vous devez manger au « Mac Do » ponctuellement, profitez au mieux des aliments de plus en plus diététiques que proposent certains fast-foods.
Srp: Certains de nos membres vont dès qu’ils le peuvent surfer après leur journée de travail. Comment peuvent-ils durant cette même journée anticiper leur dépense physique du soir ?
Il faut des consommer des sucres lents au repas de midi et prendre un goûter consistant à 16 heures (avec un produit laitier, un fruit et des biscuits secs par exemple) pour un surf prévu vers 19 heures.
Srp: On voit parfois des surfeurs pris d’une baisse de tonus sortir de l’eau pour « gober » vite fait une barre énergétique et repartir de suite dans l’eau. Est-ce la bonne solution ?
Je ne suis pas contre une barre de céréales équilibrée. En cas de fringale, je leur conseille avant tout les fruits qui sont bourrés de vitamines ! Mettez une pomme ou une banane dans votre sac de plage en cas de besoin. En cas de fringale, prenez un fruit plutôt qu’une barre chocolatée, une viennoiserie ou une glace. Profitez de cette pause dans la session pour vous réhydrater.
L’hydratation joue-t-elle un rôle important dans l’effort physique et pourquoi ?
Ce n’est pas parce que l’on pratique un sport aquatique qu’il ne faut pas s’hydrater. On transpire quand on surfe même si on ne s’en rend pas forcément compte dans l’eau.
L’hydratation est indispensable à la performance, elle compense les pertes hydriques et prévient le coup de chaleur ou encore les tendinites.
Hydratez-vous en buvant de l’eau en quantités suffisantes avant et après vos sessions. Pendant une session de 2 heures, l’idéal serait de sortir de l’eau à mi-session pour se réhydrater.
Certains watermen emmènent avec eux de quoi se réhydrater quand ils partent au large pour de longues balades en paddle board. Pour des sessions très longues ou des expéditions prolongées, l’eau minérale n’est plus adaptée et il faut utiliser des boissons de réhydratation spécifiques avec des teneurs en glucose et en sodium adaptées.
Evitez les sodas et autres boissons trop sucrées.
Ne prenez surtout pas de boisson alcoolisée avant d’aller surfer.
Srp: Que penses-tu des boissons hyper énergétiques ? Peuvent-elles nous aider dans la pratique du surf ?
Il ne faut pas confondre boissons énergétiques et boissons énergisantes !
Les boissons énergétiques, comme Isostar ou Gatorade par exemple, sont étudiées pour l’effort physique et sont donc pour la plupart parfaitement adaptées à une activité sportive. Les boissons énergisantes, les « energy drinks » (type Red Bull, Dark Dog, Monster Energy…), qui déferlent dans le milieu du surf sont par contre inadaptées à une session de surf intense. Ces boissons sont trop concentrées, trop riches en sucre, elles acidifient l’organisme, elles contiennent de grosses quantités de caféine et des substances comme la taurine ou le glucuronolactone dont l’innocuité à fortes doses n’a pas été prouvée. Les spécialistes de la nutrition du sportif déconseillent fortement les energy drinks mais leur voix a du mal à se faire entendre face à l’énorme puissance marketing de ces marques. J’y ai consacré un article plus détaillé sur le blog de mon site Internet http://blog.surf-prevention.com .
Srp: Nous employons sans doute à tort le terme d’hypoglycémie. Peux-tu nous donner les principaux signes d’alertes ? Comment y remédier ?
Il s’agit plus souvent de grosses fringales que de véritables hypoglycémies.
Une hypoglycémie peut se manifester par une sensation de faim impérieuse, une irritabilité, des palpitations, des tremblements, des troubles visuels voire des troubles de la conscience pouvant aller jusqu’au coma en cas d’hypoglycémie profonde.
Si des malaises de ce genre se produisent trop souvent, je vous conseille de faire vérifier votre glycémie capillaire au moment du malaise et d’aller faire un bilan chez un endocrinologue pour ne pas passer à côté d’une pathologie organique (après en avoir parlé à votre médecin traitant !).
Les hypoglycémies peuvent se produire chez les patients qui prennent des médicaments hypoglycémiants : les diabétiques sous insuline ou sous certains antidiabétiques oraux évidemment, mais également les personnes qui prennent d’autres médicaments, comme certains antalgiques par exemple. Une hypoglycémie peut être favorisée par la prise d’alcool, raison de plus pour ne jamais aller surfer après avoir bu !
On peut assister à des hypoglycémies réactionnelles après avoir ingéré trop rapidement une importante quantité d’aliments sucrés : cela déclenche un pic d’insuline et une hypoglycémie en réaction alors que l’on vient de manger du sucre.
Dans tous les cas, le premier réflexe est de se resucrer avec des aliments ou une boisson sucrés laissés dans le sac de plage.
Srp: Sans nous faire peur et nous parler de régime comment pouvons-nous rattraper notre poids de forme après un hiver où les sessions se sont faites de manière moins régulière qu’aux autres saisons ?
Il faut coupler une alimentation équilibrée à une activité physique régulière. Même si on surfe moins en hiver, il est vital de garder une activité physique d’au moins 30 minutes 3 à 5 fois par semaine. Comme le dit si bien Laird Hamilton dans son nouveau livre « Force of Nature » (que je vous recommande vivement) : «il n’y a pas une saison où je m’entraîne et une saison où je m’entraîne moins, je passe ma vie à m’entraîner !». Mettez-vous à la natation, à la marche ou en vélo pendant l’hiver. Il n’y a pas de petits moyens pour se dépenser. Prenez l’escalier plutôt que l’ascenseur, allez checker les vagues à pied, descendez du bus ou du métro plusieurs stations à l’avance pour marcher…L’idéal en hiver reste d’aller surfer sur les pentes enneigées avec son snowboard !
Srp: Les températures extérieures et celles de l’eau influencent-elles considérablement la dépense calorique du surfer ?
Notre corps travaille en permanence pour maintenir son homéostasie et notamment sa température interne.
L’eau froide et surtout le vent entraînent une déperdition calorique rapide contre laquelle on dépense beaucoup d’énergie pour maintenir notre température corporelle et retarder l’hypothermie.
Pour les surfeurs, ce problème ne doit pas se poser s’ils utilisent à chaque session une combinaison adaptée aux températures de l’eau et de l’air ainsi qu’à la force du vent. Il vaut mieux prévoir une bonne épaisseur de néoprène. Je conseille également aux surfeurs de limiter la durée de leurs sessions en eau froide à une demi-heure / trois quarts d’heure.
Srp: Contre toute attente, une session surprise se dessine en milieu de journée, que devons nous jeter comme aliments au fond de notre sac ?
La session de 13 heures, c’est le piège classique ! Il faut bien anticiper ces sessions en étudiant son calendrier des marées et les conditions de surf.
N’allez pas à l’eau immédiatement après un solide déjeuner, vous risqueriez de tout régurgiter : il est très désagréable de ramer l’estomac plein. Attendez au moins 3 ou 4 heures d’avoir digéré après un repas copieux.
Idéalement, il faut surseoir au déjeuner et manger léger : une banane, un yaourt et une barre de céréales une heure avant de vous mettre à l’eau.
Sortez de l’eau pour 14 heures pour déjeuner, à l’heure espagnole, d’une salade composée ou d’un sandwich crudités. Ne sautez pas de repas !
Srp: Comment, après avoir eu la chance d’avoir une belle et longue session peut-on éviter le coup de barre souvent présent sur la route du retour ?
Encore un (ou deux) fruit(s) ! Vous devriez arriver à votre quota de 5 fruits et légumes quotidiens à ce rythme…
Srp: Je te laisse le soin de conclure et te remercie encore pour ta disponibilité et le travail fournit !
Diversifiez vos repas : évitez de manger toujours la même chose. Variez les plaisirs. Quand vous partez en surf trip, profitez-en pour découvrir la cuisine locale plutôt que de manger les mêmes choses que chez vous au fast-food du coin…
Prenez le temps de manger et de savourer vos repas qui doivent rester conviviaux : on est mieux assis à une table entre potes qu’affalé sur un canapé devant un DVD de surf pour manger...
Une alimentation équilibrée chez une personne saine couvre les besoins en vitamines, minéraux et oligo-éléments. A l’heure actuelle, aucune preuve scientifique ne justifie la prise de suppléments alimentaires par le sportif. Vous n’avez donc pas besoin d’aller voir votre pharmacien pour qu’il vous donne « des vitamines pour vous remonter » ou d’aller acheter des compléments hyperprotéinés dans des magasins spécialisés. Si vous êtes en bonne santé et que vous mangez équilibré, vous couvrez déjà tous les besoins essentiels au bon fonctionnement de votre organisme.
Si vous suivez un entraînement intensif ou si vous faites du surf en compétition, consultez un médecin nutritionniste, un médecin du sport ou un diététicien qui vous fera suivre un régime alimentaire adapté à votre pratique.
Je n’ai pas abordé ici les cas particuliers, comme celui du surfeur diabétique ou du surfeur végétarien par exemple. Mais je compte bien développer ces conseils dans les mois qui viennent sur mon site Internet http://www.surf-prevention.com en faisant intervenir des surfeurs pro et des spécialistes de la nutrition.
Le concept de Surf Prévention, c’est de mettre en avant une pratique du surf avec un mode de vie sain et dans les meilleures conditions de sécurité.
J’espère arriver à terme à aborder tous les sujets qui touchent de près ou de loin à la santé du surfeur.
Je vous attends sur le blog ou sur le forum que je viens de lancer pour apporter vos commentaires et enrichir le site !
Merci de m’avoir laissé intervenir sur votre site de qualité.
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