Somalama, Futuna - 19 octobre 2014Bernard, le hot local qui erre devant ma chambre tous les matins. Gros comme un poing, mais pas vraiment adroit, il fait le bonheur des multiples pitits chatons roux qui ont élu domicile sous nos fales avec leurs mamans pas vraiment farouches. Petite séance photo improvisée pendant le petit-déjeuner avant d'aller à l'église.
La vue pour le petit-déjeuner le matin. Pour une fois je ne me lève pas pour aller à l'hôpital, mais à la messe!
Tout le monde est actif aux aurores. Futuna offre un festival de couleurs permanent, “et c'est pas fini"©…
Bernard le vil païen préfère se dorer la pilule au soleil au lieu d'aller à la messe. Il ne mérite que mon mépris, dont il n'a que faire semble-t-il. Si il possède des gonades, il les bat probablement sur le platier en écoutant mes remontrances.
Instant géographieFutuna et Alofi composent l'archipel des îles Horn, nom peu usité, à environ 250 km au sud-est de Wallis, également connue sous le nom plus local d'Uvea (prononcez “ouvéa”).
Si Wallis est un atoll plat entouré d'un vaste lagon et de quelques îlots, Futuna ne possède pas de barrière et est accidentée, avec un point culminant à plus de 500m (le mont Puke). Les vagues se brisent directement sur la côte, un peu à la façon du north shore hawai'ien. Alofi quant à elle possède un petit lagon qui parait-il est sublime, mais que je n'ai pas encore pu visiter…
Tolkien a largement décrit ce phénomène : l'éloignement géographique explique sans doute que le futunien émane directement du samoan, tandis que le wallisien a connu une forte influence tongienne (l'île a été occupée). Si les futuniens comprennent généralement les wallisiens (les jeunes font leur lycée à Wallis, et de nombreux futuniens vont travailler à Wallis, 4 fois plus peuplée), l'inverse est rarement vrai.
Actuellement, et depuis quatre ans je crois, il n'y a pas de roi à Sigave. Les réunions se multiplient pour désigner le prochain, mais pour l'heure les ministres gèrent seuls la vie du Royaume.
Eglise de Sigave, Futuna - 19 octobre 2014Le grand jour est arrivé, toute la population se tasse dans l'église de Sigave (et les 4x4 et autres pickups s'alignent devant). Les chefs ont leur carré réservé à gauche de l'autel, les familles sont à droite.
L'intégralité de la messe se fera en Futunien, jusqu'au “Amene” (prononcez “améné”, aucun mot ne se finissant par une consonne en futunien, les mots empruntés à une langue étrangère - en l'occurrence le latin, donc - se voient ajouter une voyelle… Comme en japonais!), scandé par tout le monde à intervalles réguliers.
Ici, deux des trois grands costauds armés de sublimes lances en bois sculpté d'environ 3m de long, régulièrement répartis dans l'allée centrale.
Les tenues sont pour le moins surprenantes pour le perse de passage. Ici, cette petite fille au très joli (et odorant) tui tiale porte une tenue qui ne dépareillerait pas dans un mariage en occident.
Chacune porte sa bougie pour se diriger ensuite vers l'autel, la concentration est intense et la panique intervient chaque fois qu'une bougie s'éteint, immédiatement rallumée par une maman aux aguets.
Pendant que les petites filles sont alignées dans l'allée, portant leurs bougies, visiblement très anxieuses, les garçons sont assis aux premiers rangs. Si leurs tenues sont moins élaborées/originales, ils sont sur leur trente-et-un également.
Le patele Lafaele (Raphael, il n'y a pas de R en futunien), avec une bible en futunien.
Un poil d'anxiété chez les garçons aussi ^_^
Sous le regard bienveillant des grands costauds armés des lances sculptées, chaque enfant fait à son tour un petit discours (je pense?) à la tribune, auquel je ne comprends strictement rien. J'ai pas mal progressé depuis, mais à part si ils parlent de manger, de boire, ou de dormir, je ne comprends toujours pas grand chose…
Pure bliss.
Définition : “fulumalie” ("belle")
Superbe collier de coquillage, je n'ose imaginer le travail et le temps nécessaires pour le confectionner… Et pour ramasser tous ces coquillages. 5 mois plus tard, on m'en offrira trois différents (dont un doublé) pour mon départ...
Je les ai rapportés, ils ont survécu au voyage, au mois à Nouméa, et sont actuellement au chaud dans ma chambre à Nantes...
Ces colliers sont assez fréquents ici lors des cérémonies/fêtes, j'ignore de quoi ils sont faits, mais leur confection doit prendre un temps fou…
Mise à jour : “Ce sont les colliers les plus chers, faits de "sea” en fakafutuna ou “hea” en fakauvea… Ce sont des amandes que l'on fait sécher avec leur coque, les pelures fraîches sont également utilisées pour la confection de colliers. L'odeur est fruitée. On en fait par ailleurs des cosmétiques pour parfumer la peau… Secrets transmis de génération en génération, fragrances polynésiennes…“
- Une walliso-futunienne anonyme (bon ok c'est ma meilleure copine, Malia) -
Royaume d’Alo, Futuna - 19 octobre 2014Invitation au tauasu avec le Tiafo'i, le jour des communions, après la messe. Le type d’invitations qui ne se refuse pas (ce n’est pas lui).
Toujours pas lui. Ces colliers d'allure "cheap" sont en réalité très chers, et donc rares. Cet homme m'a offert le sien juste après cette photo. Il trône dans ma chambre avec les colliers de coquillages.
Le père d'un patient que j'ai évacué dés mon premier jour vers Uvea, dans un état passablement sérieux (et ce n'est pas non plus le Tiafoi, même si il s'agit de l'un des aliki les plus importants de l'île... Et qui deviendra mon ami. Son patronyme, Leleivai, signifie, "belle eau"). Sa coiffure, très inhabituelle, est celle des chefs de Fiji (il est d'ascendance fijienne).
La pule o opitali (chef de l'hôpital) a eu droit aux honneurs pour les dernières célébrations de la semaine des communions.
Kava traditionnel pour les communiants. Après l'appel de leur nom par leur hôte, chacun frappe dans ses mains trois fois (précisément) et reçoit le précieux breuvage. Nous ferons de même juste après eux.
Jumelle #1 (ma première, et dernière, patiente. Actuellement en France en formation. Une fille formidable)
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la majorité des danses auxquelles j'ai assisté étaient effectuées par des hommes. Les femmes dansent peu, et quand elles le font, c'est avec une retenue qui contraste avec l'expressivité des hommes.
Jumelle #2
Jumelle #3
Non je plaisante. L'occasion de s'émerveiller de la tolérance de la société futunienne. Les rere sont des "transgenres", homosexuels, très efféminés, ils sont parfaitement acceptés et respectés à Futuna. J'apprendrai, au fil des mois, qu'ils remplissent un rôle très important dans la société futunienne, mais je ne le détaillerai pas ici, le forum est PG-13
Futuna détient le record mondial de l'incidence de la leptospirose. Faisons-nous plus de recherches spécifiques que les autres? Est-ce dû à une conjonction exceptionnelle d'un amour immodéré du cochon, de l'ubiquité des claquettes et des pieds nus, et d'une négligence systématique des lésions cutanées? Probablement un savant mix.
Pule : “chef"
Au cours de la semaine des communions, chaque tauasu nous renvoie à l'importance que les futuniens accordent à l'hospitalité. Les invitations se multiplient (plusieurs par jour, aux mêmes heures : il est impossible de se rendre partout…), les cadeaux fusent, le coffre regorge de nourriture et nous repartons généralement couverts de colliers tous plus beaux (et précieux) les uns que les autres.
Certains regards sont universels. L'apprentissage de la langue aide, cependant : e kau alofa lou motu, ke lāsi ^_^ (j'aime ton île... Je l'aime tellement!)
Somalama, Royaume de Sigave, Futuna - 28 octobre 2014Il a plein de chats sur l'île. Ils sont généralement semi-sauvages, impossibles à caresser. Et pour cause, ils finissent parfois à la marmite!
La confection des colliers de fleurs prend un temps fou. Les femmes y passent des heures, entre elles, mêlant diverses fleurs, mais également des fruits coupés et parfois même des accessoires improbables (bolduc!).
Le résultat est superbe, extrêmement odorant (le kasoa, mêlant différentes fleurs et fruits, est également appelé tui manogi : littéralement “collier qui sent bon" en futunien) et peut être conservé plusieurs jours pour parfumer une pièce.
RT2, Royaume d'Alo, Futuna - 1er novembre 2014C'est l'été indien dans l'hémisphère sud également (hi hi hi) : 35°C, 85% d'humidité dans l'air, et mon premier week-end de libre depuis mon arrivée il y a 4 semaines aujourd'hui (glips).
Direction la plage de Vele donc, qui jouxte la piste de l'aérodrome. L'un des seuls endroits de l'île où l'on puisse se baigner pieds nus sans risquer de perdre un orteil sur le corail semble-t-il. À la futunienne, à l'arrière d'un pick up conduit de main de maître par Sosefo, je bringuebale allègrement de droite à gauche au gré des trous de l'unique route, tandis que Sosefo papote à l'avant avec Aline, l'ophtalmo arrivée ce matin de Wallis (et de Bretagne avant cela!).
Après une escale à l'arrêt de bus de Kaleveleve pour récupérer la plus futunienne des papalagis ("le bois du ciel", c'est comme cela que les futuniens appellent tous les étrangers, peu importe leur couleur - les métros croient que cela veut dire "blanc", mais blanc, c'est "tea" - le terme papalagi vient des premiers européens débarqués sur des bateaux en bois immenses, que les futuniens ont pris pour des dieux, descendant du ciel sur des vaisseaux de bois... Poétique), direction l'aérodrome pour un après-midi baignade, coraux, glandouille et bronzette…
La route longe la piste, le virage à angle droit ne laisse que quelques dizaines de centimètres de marge pour ne pas mettre le 4x4 à l'eau mais Sosefo gère comme un prince, tout baigne (enfin non, précisément, et tant mieux).
Vele, Royaume d'Alo, Futuna - 1er novembre 2014C'est ici et pas ailleurs. La plage n'est pas bien longue, mais elle a l'avantage de posséder une langue de sable (d'environ 20m de large) accumulé le long de la digue, où l'on peut décemment espérer nager pieds nus sans finir aux urgences (pour une fois que je n'y suis pas, je vais essayer de ne pas m'y rendre).
Quelques bateaux dans un état proche de l'Ohio sont entreposés en hauteur, mais à part cela, nul abri en cas de drache, comme dirait Aline notre ophtalmo bretonne.
4 semaines pour enfin faire vraiment trempette. 3900 habitants, 2 médecins, forcément.
Les rétros, c'est pour les faibles. La signalisation aussi. Et les virages. Toutes les voitures (qui sont rares) sont ici délabrées, aucune n'a toute la carosserie de la même couleur, tous les pare-brises ont un jour fait la rencontre d'une noix de coco et sont fendus. Il n'y a par ailleurs qu'une seule route qui fait le tour de l'île, aucun croisement donc. Pratique pour les rendez-vous, c'est toujours "avant machin" ou "après bidule". Impossible de rouler à plus de 50 sur 99% de la route, et les 20km/h sont souvent de mise sous peine de péter l'essieu. Je roule souvent "à la Fijienne", ie à gauche, pour éviter un trou de 40cm dans ma voie. Les routes européennes relèvent du film de science-fiction à Futuna.
Et oui, j'ai longtemps fantasmé le surf à Futuna...