Le Trip
Me voila pour un mois complet au Japon. La moitié du voyage sera un road trip de 4 000 km dans le sud du Japon et plus précisément sur la côte ouest de Kyushu, la plus au sud des 4 îles principales. Je me suis réservé un créneau de 5 jours dédié uniquement au surf. C'est court et donc c'est un coup de poker : pas sûr d'avoir des vagues.
Je quitte Beppu et ses bains chauds, Usuki et ses Boudhas millénaires. Je rejoins enfin Miyazaki, la zone de surf du sud de Kyuhsu.
Miyazaki, l'épicentre du surf japonais
Le Japon n'est pas considéré comme un destination surf. Pourtant, un premier regard sur une carte montre que le Japon est grand ouvert sur l'océan Pacifique avec une côte très découpée et bourrée d'îles. Un deuxième regard sur la météo montre que les typhons viennent souvent du sud et remontent vers le Japon en envoyant de sacrés swells. Le résultat est qu'il y a pas mal de coups de surf pour celui qui a du temps et beaucoup de spots différents : beach break, embouchures de rivières de classe mondiale, point break, reefs.
Sur une distance de 250 km se trouve la meilleure zone de surf du Japon, son Hossegor local au Sud, la ville de Miyazaki. Miyazaki a été rendue célèbre pour le complexe "sea gaia" et sa vague artificielle de 2m. La vague est aujourd'hui fermée. Honnêtement, vu la qualité du surf dans le coin, cela se comprend ! Pourquoi payer lorsque tu as mieux dehors ?
Il y a en effet une ou deux vagues de classes mondiale sur du reef : Chokusen, tube en droite sur des boulders où se sont déroulées plusieurs compétitions du world tour et Curren's reef, une droite énorme qui ne marche que par houle de typhon et rendue célèbre par Tom Curren qui avait été le seul des surfeurs pro à la surfer en 1991 par une houle gigantesque (couverture de surf session à l'époque...).
Curren's reef en 2014
je vous préviens tout de suite : non, je n'ai pas eu la chance d'avoir suffisamment de houle pour surfer ces deux pépites.
Ca ne rigole pas avec l'échauffement
Miyazaki, la ville du sud de Kyushu, est la zone des rebelles, hippies et originaux du Japon. La culture surf est incroyable et bien plus développée que ce que nous pouvons trouver en France même au pays basque: il y a notamment des surfeurs de tous âges et beaucoup, beaucoup de filles et de grommets. La présence de très bonnes vagues à longboard, une eau chaude y sont pour quelque chose.
Les surfeurs sont de types :
- * longboardeurs, à la recherche de vagues qui déroulent comme à Malibu
* shortboarders, la plupart du temps très performants (vraiment...)
* les rétro-cools : tous les autres surfeurs avec des looks à faire palir de coolitude Joel Tudor ou encore Rob Machado : bonzer, single, retro fish, modern fish, vêtu de top néoprène patagonia, de tee shirts plus cool les uns que les autres)
* les filles : très nombreuses, bon niveau et qui ragassent sans vergogne les mecs
* les vieux : quand je dis vieux, je parle de surfeurs entre 60 et 75 ans ! Ok ils ont des conditions favorables telle que l'eau chaude ou des vagues de repli fantastiques mais j'ai la preuve que nous pouvons durer longtemps en tant que surfeurs.
* Les australiens et américains qui se sont installés ici pour le surf : sympas mais sans concession à l'eau, c'est la compète...
Jour 7 - Kanegahama
Beach break sans grand challenge mais véritable aimant à houle. Le spot délivre des vagues multipeaks, souvent fermantes mais, en choisissant ses vagues, il y a de bons rides à faire. Après 15 jours de voyage "dans les terres", je suis affamé de surf. Un modeste 80cm déferle mais c'est plus que surfable. Il me reste une heure avant la tombée de la nuit (à 19h15 !) : je fonce et plante ma petite famille avec les bagages...
Spot de Kanegahama
Je sors ma vieille "Maurice Cole" que je laisse au Japon : 6'0" qui marche de 50cm à 2m, la "One Board Quiver". Elle est devenue toute jaune, avec des enfoncements du à la chaleur (la mousse se rétracte). Pour comparaison, voici les tops planches que j'ai vues passer sur la plage :
Autant le dire tout de suite et j'ai pu le vérifier par la suite : les surfeurs japonais de cette zone sont d'excellents surfeurs !
Ca saute..
Ca tourne
Et moi, enfin des vagues.
C'est petit mais cela déroule, je commence à me chauffer
En orbite
Je ne rentrerai pas brocouille du Japon, mission accomplie...
A l'entrée du restaurant : tous les plats sont en plastique plus vrais que nature
Jour 8 - Kanegahama
Session du matin
Debout à 5h, mêmes conditions que la veille. Quelques bonnes vagues et du monde dès les premières lueurs. Heureusement les japonais à l'eau sont super cools.
La vue de la chambre, directement sur le spot
C'est pas gros mais cela donne envie de se mettre à l'eau
Je ne verrai que ce SUP de tout le voyage.
et toujours les japonais suréquipés avec leur van. Beaucoup dorme systématiquement dedans.
Interception militaire, oui, le Japon a bien une armée
Randonnée dans les montagnes : nous sommes absolument seuls. Les montagnes au Japon, c'est une jungle sub-tropicale. De gros hélicoptères de transport de l'armée commencent à tourner au dessus de nous. Nous ne comprenons pas bien. Puis des commandos surgissent, viennent nous "intercepter": nous étions dans une zone d'entrainement avec larguage de troupe... Rigolards, ils nous accompagnent un moment le temps de s'éloigner. 30Kg sur le dos et ils galopent plus que nous...impressionnant.
Session du soir : pas de désespoir
La houle a légèrement grossi : le surf est simplement agréable et fun dans cette eau chaude.
Une petite vague qui s'est révélée longue avec plein de manoeuvre
Jour 9 -Kanegahama
Sachant que la houle allait grossir un peu, je suis dans l'eau à 4h55 (!). Nous ne sommes que 4, il y a un joli 1,20m qui déroule proprement. Il ne fallait pas me laisser tout seul dans le magasin : c'est un carnage pendant une heure. Puis de nombreux surfeurs et surfeuses déboulent. La houle monte jusquà 1,50m. C'est l'équivalent d'une bonne journée en Gironde. Tout va bien : je suis loin et en short dans l'eau !
Une petite dernière pour moi
Session du soir, Kizaki : où je comprends après 20 ans de surf à quoi sert un longboard
Kizaki est l'épicentre du surf de Miyazaki : une longue plage "landaise" de beach breaks qui prend presque toutes les houles. Cela ressemble à nos plages girondines, la chaleur et le monde en plus.
Le plus dingue est la présence d'une tribu surf présente toute la journée composée d'une centaine de surfeurs : de vieux, des jeunes, des filles, ambiance 70's avec des longboards plus beaux les uns que les autres. L'ambiance est nonchalante, les surfeurs restent la toute la journée ce qui est incroyable quand il s'agit du Japon (nous sommes en plein milieu d'une semaine de travail....).
[mode Troll ON – dédicace à Dahomey] Jusqu'à aujourd'hui, je m'étais toujours demandé à quoi pouvait servir un longboard à part apprendre le surf, décorer le toit de son camion volkswagen à fleurs, spéculer aux enchères sur les vieux modèles ou bien faire une étagère pour sa bibliothèque de Surfers Journal. Et devant mes yeux, je comprend enfin à quoi cela sert réellement [Mode Troll OFF]. Un banc de sable long de 150m s'est formé à l'embouchure de la rivière ; une vague métronomique de 50cm déroule tout le long. Je vois les longboardeurs et encore plus les longboardeuses faire de longs rides gracieux, marchant sur leur planche, tounant tout en flow. Je me suis cru à Waikiki ou Malibu et j'ai tenté de trouver Mickey Dora parmi les surfeurs. En un mot, si j'avais eu un longboard, je serai allé là bas sans hésiter ! Je croise un vieillard hilare de plus de 70 ans, tout maigre, tout bronzé, tout frippé, surf un vélo avec son longboard installé sur un porte surf, une casquette de l'armée rouge chinoise vissée sur la tête...
Je me décale plus loin sur l'immense plage vers des bancs plus conformes à ma planche. J'y trouve le reste de la houle du matin :1m voir 1,20m sur quelques rares vagues. C'est rapide et creux, je m'amuse comme un fou entre les surfeurs japonais.
Le building au fond est le comple "Sea Gaia" avec sa feu célèbre vague artificielle
Dans le lot, de jolies vagues qui ouvrent. Un régal !
Restaurant : on peut manger très bien pour quelques euros seulement. C'est moins cher qu'en France
Jour 10 - Umegahama, les embouchures c'est bien quand même !
Je réside sur des spots prenant les houles de SudEst mais la houle est plein sud. Cela ne va pas le faire. Départ à 4h du matin, je trace de nuit plein sud pour aller tester les pépites et notamment la gauche renommée "Oura", un reef qui me fait rêver depuis que j'ai vu une photo. Je dois éviter dans les villages les vieux qui font leur marche quotidienne de nuit pour profiter de la fraicheur. Sachant que les routes japonaises sont étroites, j'ai faille m'en emmancher plus d'un.
Grosse déception, la gauche est moribonde, un pauvre 50 – 80cm déferle sur ce spot dont on devine un potentiel sans conteste.
Je n'ai pas trouvé de spots documentés plus au sud mais perdu pour perdu, je continue ma route. Et là, je tombe sur un spot qui se révèle être un spot majeur du coin, pourtant non documenté: une embouchure de rivière qui a créé un banc de sable et de gravier. Une droite de plus de 200m déroule parfaitement. La marée est pleine haute, il y a des tubes. Les surfrepotiens regular que je connais auraient fait une crise cardiaque en voyant la vague. Je trouverai le nom de ce spot plus tard : il s'agit d'Umegahama. Mais arrivé au peak, il y a pas mal de surfeur, la vague fait 1,50m solide et c'est la compète : les locaux prennent tout, les australiens installé à Kyushu prennent le reste. Je resterai très frustré toute la session. L'eau est froide, je suis torse nu là où les autres surfeurs ont un top. Je ne prendrai que 5 vagues mais deux sont excellentes et longues. Allez, ce n'est pas si mal.
Je tiens à préciser que mes photos prises avec la marée plus basse ne rendent absolument pas justice à cette superbe vague.
On voit la vague au fond. Le paysage est putôt sympa !
C'est long, tendu et creux
La vague à son tout début, vue de la deuxième mise à l'eau
Les kids de 15 ans débarquent, bon ben voilà, fermez le spot...
Un des grands intérêts du Japon est que les activités hors surf sont quasi infinies et d'un très grand intérêt. Au plein milieu de la côte bourrée de spots de surf se dresse un incroyable temple dédié à l'empereur niché au coeur d'une falaise surplombant le bleu du Pacifique.
Ibii, encore une vague à longboard
Le long de la route, nous tombons sur cette petite anse avec une jolie petite vague déroulant sur un banc de sable. Parfait pour mes enfants. Encore une fois, des longboardeurs ultra cools et gracieux rendant cette vague digne d'intérêt. Encore un fois, un petit vieux de 70 ans débarque avec un longboard, enlève ses lunettes de presbyte et, en se changeant, on découvre sa musculature en V de surfeur ! Puis il éclate le spot...
Soeur jumelle de Kizaki en plus petit
C'est probablement une vague à surveiller pour les shortboarders avec un plus de houle.
Jour 11 - Koigaoura, un bon petit beach break paradisiaque
C'est une des dernières plages du sud de kyushu. Elle est magnifique et bordée de palmiers. C'est très rural et l'atmosphère est calme, détendue : on se sent vraiment dans les îles. Malheureusement, la houle n'est pas au rendez-vous. Un petit mètre poussif déroule mais suffit pour tremper les dérives. Je prends quelques vagues et fais surfer les enfants.
Spot de Koigaoura
Une vague sympa passe de temps en temps
Encore et toujours une culture surf développée : des familles entières de surfeurs sont dans l'eau, le papa qui apprend le surf à sa fille de 8 ans et la maman qui s'occupe de minot de 3 ans...
Jour 12 – Le volcan Sakurajima
Le Sakurajima est un des volvans les plus actifs de la planète. Il est possible de l'approcher de près. Ses explosions, plusieurs par jour, rappellent à quel point le Japon est un pays spécial, bâti la ceinture de feu. Choses étonnante, les habitants vivent sur les pente du volcan !
Sur la plage au pied du volcan, il suffit de creuser un trou dans le sable pour que l'eau volcanique jaillise à 40°C faisant un bain chaud !
Mais bon, tout çà ne doit pas empêcher une bonne partie de pêche
Le Japon est un pays rural qui possède des coins reculés. Cette plage était déserte : nous étions 2 famille sur une plage de 2km ! Nous avons failli tomber en panne sèche par manque de station service.
Dans le temple "Daizafu"dédié aux études et au savoir, une mère fait une prière avec sa fille pour la réussite de ses études
Jour 24 – Le typhon "Halong" côté Ouest
Une semaine plus tard, je me retrouve sur la côte ouest, Mer du Japon. Ce n'est pas une côte favorable au surf en été.
Cependant, un nouveau typon, "Halong, remonte par le sud du Japon. Il touche Okinawa et a été particulièrement destructeur du côté de Kyushu et surtout de Shikoku (Kochi). Je le piste car il doit normalement passer à Ishikawa. Il devrait y avoir du surf aujourd'hui...
Direction, la péninsule de Noto Hanto où j'ai repéré quelques reefs. Mais le problème des tyhons, contrairement à nos dépressions françaises, c'est que leur trajectoire est imprévisible. Les prévisions ne valent pas grand chose 24h à l'avance. Résultat : sur place, au lieu d'être offshore, le vent est plein onshore fort, le plan d'eau est moisi... Tant pis je me mets à l'eau pour l'honneur. Bon, ce ne sera pas la session du siècle... J'arriverai à prendre une très longue vague du fond du spot jusqu'au bord qui suffira à mon bonheur.
Temple Eihei-ji, Moine zen accomplissant ses exercices
Jour 25 -Tokumitsu : enfin un reef artificiel qui marche !
Debout à 5h pour aller faire la tournée des cimetière, De retour à 7h30, je contaste que le vent est nul. Pris d'un doute, je passe à côté d'un spot sans trop y croire. La houle qui m'a fait défaut hier est là mais le spot d'Ataka ne marche pas. Je décide de monter à 40km plus au nord. Pressé, je prends l'autoroute qui longe la mer. Je me rappelle subitement qu'à mi chemin, une digue expérimentale qui a été construite pour retenir le sable, m'a toujours intriguée : elle est en forme de virgule avec un grand arc de cercle juste en face d'une aire d'autoroute. Arrêt, coup d'oeil, et c'est la bonne surprise : je découvre que cette digue expérimentale agit comme un point break et créé une très jolie droite qui s'enroule autour. Puis cette droite se connecte à un deuxième peak dans les meilleurs cas et produit un joli ride de 100m de très bonne qualité.
Ni une ni deux, je me change sur l'aire d'autoroute, enjambe la balustrade et fonce à l'eau (les japonais du parking me regardent comme un extra terrestre...). Je prendrai une dizaine de vagues, j'ai eu du mal à ma positionner au début entre les locaux qui assuraient. En fait, le secret est le même que pour les pointbreaks : il faut partir ras la caillasse.
C'est très étrange de voir une jetée expérimentale se transformer en super reef artificiel alors qu'il y a eu pas mal d'échec de ceux qui ont essayé d'en créer un. Message intéressé aux communes de Biscarrosse, Lacanau et autres : il est probable que la construction de digues n'empêchera pas le recul de la côte, mais si jamais vous deviez faire des digues, celle là marche du tonnerre
Mon surf au Japon s'arrête sur cette dernière surprise.
En arrière plan, le 1er pic le long de la jetée
Le mur de la 2ième section
et la fin de la vague dans les tétrapodes
même la fin de vague est sympa !
Conclusion
Le Japon est bien une chouette destination surf. Pour tout ceux qui veulent visiter le Japon, faites un petit détour vers les spots de surf : non seulement, cela vous fera découvrir des coins hors des sentiers battus mais vous pourrez même surfer des vagues excellentes.
Les japonais
Très accueillants, ils deviennent assez bavards avec un peu de patience. La langue est une vraie barrière mais il est possible d'avoir pas mal d'échange malgré cela. Deux règles à suivre : sourire et ne jamais s'énerver.
Pêcheuse
Explication de la construction d'un piège à écrevisse
Restaurateur qui a tenu à nous montrer son élevage d'alvins en voie de disparition. Sa femme croyait que nous nous étions enfuis sans payer...
Douce solitude
Nous nous plaignons souvent des vagues de Gironde : cela peut être le paradis mais il faut être patient, attendre le bon banc de sable, éviter le thermique. Le manque le plus cruel est peut être l'absence de variété des vagues : pas de reef ou de point breaks.
Mais il y a une chose que je trouve de moins en moins que ce soit au Pays Basque, en Bretagne ou au Japon : en Gironde, il est possible de surfer SEUL. C'est un luxe incroyable.
Enjoy