L’industrie du surf nous avait habitué à un certain type de film. Nous avions ainsi le film underground, fait par des amateurs plus ou moins sponsorisés et à la diffusion restreinte et confidentielle. Il y’avait aussi le film 100% sponsorisé où nous avions pris l’habitude de suivre un professionnel en trip enchaîner tube sur tube et des rollers défiant les lois de la gravité. Il existait aussi sur les chaînes du câble spécialisées dans les sports dits « extrêmes » des émissions qui zappaient allégrement du snow au surf en passant pas le bmx et le skate à un rythme épileptique sans que l’on puisse retenir en fin de compte grand-chose. Les épreuves pros étaient quant à elles traitées de manière assez succincte. Le monteur choisissant généralement pour nous les deux meilleurs vagues à partir des demies finales. De quoi rester sur sa faim.
En 2008 débarquait un véritable ovni sur la chaîne canal + : « Une saison de rêves ». Véritable feuilleton de télé réalité sportif, ce documentaire nous permettait de découvrir au fil des épreuves la première saison de Jérémy Flores sur le WCT. Ainsi, solidaire de notre petit « Rookie » nous avons partagé sa première rencontre avec la crème du surf professionnel.
Cette nouvelle façon de voir le surf nous la devons à Nicolas Dazet . Nous vous proposons une rencontre avec celui qui a certainement ouvert une nouvelle voie dans la manière de filmer le surf.
Surfrepotes : Tout d’abord les présentations. Un petit CV flash ?
Je m’appelle Nicolas Dazet, j’habite à hossegor. J’ai commencé à bosser dans le marketing du business du surf en tant que team-manager, parallèlement à ça , j’écrivais un peu pour les magazines et je faisais un peu de Djing. Puis j’ai bossé dans l’événementiel toujours dans la glisse avant de me retrouver de manière presque accidentelle avec une caméra dans les mains. J’ai alors commencé à faire des films de surf essentiellement consacrés à la scène européenne (fightoony, catalyst, kokoriko, euroforce the actionmentary,…)
Srp: Es tu toi-même surfeur ?
Oui, je surfe mais pas assez à mon goût ! En général quand c’est bon je suis derrière la caméra.
Srp: Notre question traditionnelle et incontournable : ton quiver ?
Vu mon niveau très moyen, j’ai progressivement laissé tomber le truster classique genre 6’2’’ de compét pour des boards plus retros, aujourd’hui dans mon quiver : un twin-fin pipedream, une 4 fins fish bat tail Bourton, une black beauty 6’3’’ al merrick, un longboard single fin 9’6’’ infinity et à force de taxer ceux des copains je vais m’acheter un stand up paddle histoire de faire bien « victime de la mode » !
Srp: Peut on dire que tu es un réalisateur spécialisé dans le surf ?
Oui j’ai commencé à réaliser des films grâce au surf et pour l’instant, je ne me suis pas trop exercé à autres choses.
Srp: De qui vient l’idée de suivre Jeremy pour son premier WCT ?
L’idée est venue de deux personnes de chez Quiksilver Pierre Agnes et Pierre Herreros. Ils m’ont confié cette mission car j’étais celui qui avait le plus de proximité avec les surfeurs.
Srp: N’as-tu pas eu peur de lui rajouter une pression supplémentaire en lui proposant ce film ?
C’est clair que la pression était double, tant pour moi que pour Jeremy, surtout que le projet s’est décidé très rapidement. Jeremy rentrait dans un nouveau monde et il avait d’autres chats à fouetter que de se traîner une équipe de TV et pour moi c’était ma première expérience pour la télé. Mais on a rapidement pris nos marques et Jeremy a était incroyable de disponibilité.
Srp: Comment son staff a-t-il accueilli la nouvelle ? A-t-il eu des réserves ou simplement a-t-il posé des limites ?
Son staff a vu ça du bon œil en sachant que c’était moi qui réalisait. J’ai toujours était proche des surfeurs car beaucoup sont des amis, donc je sais mettre une frontière entre le travail et l’amitié. Par ailleurs, j’avais déjà pas mal accompagné Miky Picon et Eric Rebière lorsqu’ils étaient sur le tour donc j’avais déjà une certaine expérience de la chose.
Srp: Dans ton documentaire, la question de la mediatisation voir de la surmédiatisation de Jeremy est posée. Personnellement quel est ton avis ?
Dès ses débuts sur le Tour, tout le monde autours de Jeremy a pris conscience qu’il allait être énormément sollicité. On en a souvent parlé avec son père, inquiet que ça lui rajoute une pression supplémentaire. Mais Jeremy est un garçon très intelligent qui s’est rapidement adapté la situation. Le service de presse autours de lui gère aussi bien de filtrer les demandes d’interview afin qu’il ne s’en écoeure pas. Je pense qu’une telle médiatisation est bonne pour le surf français, la pérseption du surf auprès du grand public est en train de changer grâce à des champions comme Jeremy.
Srp: Canal + est coproducteur du film. Comment une chaîne plus habituée au foot ou encore au tiercé se retrouve à financer ce genre de projet ?
En un mot : Merci Bixente, c’est lui qui s’est battu pour que ce programme soit à l’antenne. Et puis le directeur adjoint du service des sports a bien flashé sur le personnage de Jeremy.
Srp: Quels regard à tu perçus de la part des autres concurrents en te voyant réaliser un doc sur « le petit nouveau » ?
Ahah, comme d’habitude, j’ai les oreilles qui ont sifflées. Blague à part, je regrette qu’il n’y ait pas plus de concurrence dans ce domaine en France, je trouve le niveau des productions françaises vraiment en deçà de ce qui se fait dans le reste du monde, c’est dommage car il y a aujourd’hui un vrai marché potentiel. De plus c’est très difficile de trouver de bons caméramen de surf en France. Je suis cette année obligée de travailler avec des australiens.
Srp: Les sponsors de Jeremy t’ont-ils laissé carte blanche ou ont-ils souhaité t’orienter dans ta manière de filmer, dans tes images ?
Quiksilver (avec qui je travaille depuis de nombreuses années) nous a vraiment laissé carte blanche sur le contenu. Le but de cette série n’était surtout pas de faire du « publi-reportage ».
Srp: Ces mêmes sponsors ont-ils eu un droit de regard sur le montage final ?
Les personnes qui ont vraiment participé au processus de montage sont Vincent Kardasik (qui a monté et tourné la série avec moi) et Pierre Herreros et moi. Dans ce sens, nous n’avons eu de pression extérieure. Même Canal+ n’a quasiment demandé aucune modifs sur le contenu initial.
Srp: Avant de partir sur le WCT avais tu en tête un plan bien défini où petit à petit la structure du film s’est faite naturellement ?
On a essayé de définir une structure de base avec les producteurs qu’on s’est empressé de démontée une fois le tour commencé ! En fait, je tenais un carnet de bord pendant chaque épreuve qui m’a servi ensuite à écrire le scenario. On a fait le choix de privilégier l’aspect sportif de la chose afin d’apprendre un maximum d’info auprès du grand public et de ne pas décevoir les surfeurs.
Srp: Sans jouer le critique de Télérama, je pense que le film fonctionne à merveille car nous découvrons en même temps que Jeremy la dureté et quelques rouages de cette compétition. Penses tu que ce film et son impact auraient été similaires avec un vieux routier du circuit WCT ?
Je pense que ce qui a fait le succès de la série c’est que tout était nouveau pour Jeremy comme pour moi et quelque part pour le public aussi, donc tout était vriament authentique au niveau du ressenti.
Srp: Suivais tu Jeremy pendant toute l’épreuve où avais tu des plages horaires bien définies et dédiées au tournage ?
En général on habitait ensemble avec Jeremy et Yannick Beven (son préparateur physique) sur la plupart des épreuves, donc il était hors de question que j’ai la caméra au poing 24h/24, donc en gros on faisait comme on le sentait, mais tout ça s’est fait très naturellement. Jeremy comme tout sportif de haut niveau a besoin de moments d’intimité, comme la demi heure avant ses séries. J’ai toujours respecté ces moments là en étant le plus discret possible. La discrétion sur les épreuves était importante para rapport au regard des autres surfeurs du Tour, histoire de ne pas faire de Jeremy une « bête curieuse »
Srp: L’équipe de tournage, c’était combien de personnes et combien de caisses de matos ?On a réalisé cette série avec vraiment le minimum vital : une équipe de deux personnes (Vincent Kardasik et moi) et environ trois à quatre pélican case !
Srp: Parfois en regardant le film, on peut avoir l’impression que la caméra aide Jeremy à analyser son surf, à faire le point sur des situations durant la compétition, prendre un certain recul. Penses tu que cela a été vraiment le cas ?
Je ne sais pas si le faire de se plier aux interviews a aidé Jeremy à analyser son surf, mais par contre en parallèle au tournage de la série, j’ai fait avec lui comme je fais depuis longtemps avec cMiky, du coaching vidéo. Chaque soir, je mettait sur son ordinateur toutes ses vagues surfées dans la journée, c’est important pour lui de voir ce qui marche ou pas surtout avec ses planches.
Srp: Difficile de rester un réalisateur neutre, un simple témoin avec une caméra, quand la pression, les joies ou les déceptions sont à filmer ?
On a vraiment fonctionné comme une équipe pendant toute l’année avec Jeremy, yannick et Vincent, partageant ensemble les bons comme les mauvais moments. Mais c’est vrai que lorsque tu tournes tu essayes de penser objectivement, mais une fois que tu baisses la caméra, c’est différent. Il est même arrivé que notre caméra soit un élément crucial lors du litige de la première épreuve sur la goldcoast, puisqu’on était les seuls à pouvoir montrer au chef-juge la vague qu’il n’avait pas vu.
Srp: Etait ce jute un « one-shot » où peut on s’attendre à d’autres saisons ?
Pour l’instant je suis depuis le début de l’année les quatre européens du tour : Jeremy, Miky, Aritz et Tiago. Sans pouvoir en dire plus encore, il va très certainement y avoir une suite à « une saison de rêve ».
Srp: Penses tu que la réalisation de ce film a vraiment ouvert une voie dans la manière de filmer le surf professionnel ?
Euhhh, je ne sais pas si c’est mon rôle d’affirmer de telles choses !!, j’essaie juste pour l’instant de faire partager ma passion du surf au plus grand nombre.
Srp: Il existe un montage « court » recemment presenté au festival international du film de surf, comment chosir ce que l’on doit garder, mettre de côté ?
On a essayé avec Vincent lorsqu’on a écrit le scénario du 52’ de faire complètement abstraction de ce qu’on avait mis dans la série. Le but était le suivant, ce docu s’adressait aussi bien aux gens qui avaient vu la série que ce découvraient Jeremy pour la première fois.
Srp: Les commentaires de Bixente Lizarazu ont la particuliarité de s’adresser aux néophytes comme aux plus callés en surf. Comment trouver cet équilibre ? Qui est l’auteur des textes ?
C’est Bixente qui s’est chargé d’écrire ses textes d’intros, pour les voix –offs, j’ai travaillé en collaboration avec Franck Lacaze (ancien rédac chef de trip surf). Les textes devaient avoir une connotation pédagogique sans pour autant saouler le néophyte.
Srp: D’ailleurs comment Bixente est il venu s’inscrire dans le doc ?
Pour la petite histoire, ça s’est fait presque à la sortie de l’eau !!! En gros ça s’est fait super naturellement, Bixente était déjà en contrat avec canal+ quand il a entendu parler de notre projet, il a été séduit par le concept et nous a aidé à le faire sortir sur canal.
Srp: Ce film t’a t’il ouvert de nouvelles portes ? As-tu des projets en cours ou en tête ?
Oui énormément ! J’ai beaucoup appris de travailler pour des formats TV et du coup ça m’a permis de restructurer de vieux projets qui devraient bientôt voir le jour.
Srp: Je te laisse le mot de la fin :
Merci
Propos recueillis par Pipeau
Photos publiées avec l’aimable autorisation de Nicolas Dazet
[Liste des interviews surfrepotes]