Concernant le bois, j'ai été bûcheron-sylviculteur pendant 7 ans (mon premier métier, BTS Gestion Forestière

). Les rotations les plus courtes qu'on puisse trouver concerne le peuplier dans la vallée de la Garonne (14 ans: mais c'est une sorte de record mondial) sur un sol particulièrement adapté selon l'INRA, mais partout ailleurs, on table plutôt sur 20 ans minium.
Ensuite viennent le chataignier et le pin (pin maritime, douglas...). On est alors dans un ordre de grandeur de 40 ans, là encore, ça peut varier du simple au double quasiment; selon les conditions climatiques mais surtout le sol. Selon le sol (et les objectifs qualité/production), il n'est pas rare de tabler jusqu'à sur 70 ans...
La première espèce "noble" est le chêne rouge d'amérique: environ 60 ans. Là, on va être contraint pour des raisons sanitaires (qualité du bois, maladie...): ça reste une espèce "exotique". C'est le chêne avec les feuilles à dents pointues
Pour le chêne (sessile et pédonculé: "les chênes de nos campagnes") on table généralement entre 90 et 120 pour une futaie sur pied, cad "normale". Néanmoins en taillis et avec des objectifs différents, on peut tourner entre 30 et 50 ans. On aura bien évidemment pas les mêmes circonférences donc pas le même cubage, mais on peut sortir éventuellement les mêmes qualités (usages charpente, menuiserie, voire ébénisterie etc... jusqu'au bois de chauffage)
En fait, la sylviculture, c'est un peu comme shaper des planches: on fait bien ce que l'on veut, mais il y a tout de même des logiques et des paramètres à prendre en compte pour que ça ait du sens et de la cohérence. En premier lieu le sol et les conditions climatiques si on est seulement dans la logique de production. Ensuite viennent le type de peuplement, les habitats, etc. (le "type de forêt" en fait) pour une cohérence écologique.
D'un point de vue rendement financier, hors tempête de 99, on est sur une moyenne nationale d'environ 2 à 3%. Concernant le peuplier, ça peut être un investissement qui rapporte jusqu'à 14%...
Il faut bien voir que la France est l'un des seuls pays au monde où la forêt n'est pas en régression, au contraire. C'est également le cas pour d'autres pays en Europe, mais pas tous. Mondialement, on est plutôt dans une logique de déforestation. Donc je vous invite à consommer du bois français pour au moins les mêmes raisons que vous allez plutôt voir un shaper du coin...
Malgré les bons points que cumule la France dans sa gestion durable des forêts, on ne peut que constater l'énorme gâchis et la sous-exploitation de nos ressources bois. Cela est en grande partie due une utilisation de qualités sur-classées. Pour prendre un exemple, si vous aimez le bois et les beaux meubles, vous allez voir un menuisier pour une belle armoire qui peut être design, racée, rococo, néo-pop, louis xv, ou rustique selon les goûts. Si vous demandez un effet de patine par exemple, l'artisan va prendre du bois sans défaut, réaliser le meuble, puis l'attaquer à la chaîne de vélo, planter et déplanter des clous, et enfin vernir ("polish"). Alors qu'il aurait pu partir directement sur un bois plus adapté et moins cher qui présente déjà quelques défauts.
Pareil pour les poutres et les colombages des maisons neuves. Par exemple au Pays Basque les colombages sont peints de manière opaque: on ne voit pas le bois. Idem (ou presque) en Sologne et en Alsace, il s'agit d'un vernis tellement foncé qu'on ne distingue presque plus le bois lui-même. Pourtant à la base on part sur du bois "qualité" sans défaut alors que s'il y avait des défauts ils ne se verraient pas.
Pour la charpente et le reste, on est juste dans une logique "esthétique" qui augmente le gâchis. Mécaniquement, quelques noeuds et le fait que l'arbre ne soit pas tout à fait rectiligne, pour une poutre cela n'impacte pas ses qualités mécaniques significativement (résistance à la compression, flexion, torsion, etc...). C'est à dire qu'un produit d'éclaircie de chêne va partir en menuiserie alors qu'il pourrait parfaitement être valorisé en qualité charpente. Encore faudrait-il que le client accepte une poutre "roots"...
D'autre part, je me suis spécialisé dans mes études sur les bois proches des rivières (ripisylves). Peuplier, frêne etc. On appelle cela les "bois blancs" ou "bois tendre". Chacun ses goûts mais j'aime leur clarté. Mécaniquement, ils n'atteignent certes pas la densité du balsa mais restent parmi les plus légers et possèdent ne serait-ce que des qualités de "flex" sous-exploitées au profit d'espèces exotiques.
Enfin, la filière bois ne pourrait pas à elle seule (au regard de la production de bio-masse) remplacer le nucléaire par exemple pour la production d'énergie. Néanmoins, c'est une filière sous-exploitée qui peut remplacer d'autres matériaux dans l'énergie, la construction, l'ameublement, et bien d'autres secteurs avec généralement un gain de qualité.