Tristan Mausse
Profession : glasseur.
Glasseur, ce terme était il y a encore quelques années toujours associé à celui de shaper. Ainsi le shaper glassait tout naturellement ses planches. Mais, à l’instar des duos shapers / glasseurs étrangers, une nouvelle génération de spécialistes français du glass sort de l’anonymat pour apparaitre au grand jour. Nous avons donc voulu en savoir plus sur cette spécialité et pour cela, quoi de plus naturel que d’aller directement à la source. Tristan Mausse fait partie du crew UWL, il s’occupe du glassage, du ponçage, ainsi que de la pose d'ailerons. Il est aussi un spécialiste du polish. Voici donc un glasseur qui comme tous les mordus adore parler de sa passion.
Surfrepotes : Avant tout, les présentations. Fais-nous ton C.V flash.
Je m’appelle Tristan Mausse, j’ai 20 ans, je surfe depuis tout petit, et j’ai commencé à travailler à l’age de 15 ans en faisant un apprentissage dans la charpente marine. Puis à l’age de 16 ans je m’aménage un petit atelier dans le garage de mes parents où je vais fabriquer pendant un an mes planches ainsi que celles de mes potes et de mon frère. Un an plus tard me voila ponceur à plein temps chez UWL surfboards alors que je n’ai que 17 ans !
Srp : Maintenant notre question traditionnelle : ton quiver personnel ?
Eh bah pas beaucoup de planches pour un glasseur !! Comme on dit c’est le cordonnier le plus mal chaussé ! Un fish 5’11 équipé en trusther, un fish 5’9 équipé en quad shapé par Louis Robert(fondateur d’addiction surfboards) et un longboard rétro 9’3 shapé par renaud cardinal. Mais après je surfe beaucoup les planches de l’atelier que nous nous faisons pour nous, pour les tests. Bref je surfe principalement des planches rétro !
Srp : Bien, maintenant que les présentations sont faites, dis nous comment es tu devenu glasseur ?
Des 16 ans j’étais passionné par le shape, le glass, les photos des ateliers et l’ambiance qui y régnait ! Bref je voulais vraiment faire ça comme job et j’étais prêt à tout pour y arriver ! Donc j’ai appris les bases par moi-même en fabriquant mes planches (autant vous dire que mes deux premières planches sont à la benne !) j’ai eu du mal au début mais j’étais vraiment motivé ! Puis après avoir appris l’existence du gros atelier UWL j’ai foncé là bas avec mes planches sous le bras et nous avons discuté avec Renaud Cardinal, je lui ai fait part de ma motivation et de mon envie pour travailler dans son atelier. Et il m’expliqua qu’il n’arrivait pas à trouver de ponceur, et qu’a chaque fois les gars qu’il embauchait bossaient mal ou partaient au bout de 6 mois ! Puis deux semaines après, coups de téléphone de Renaud m’annonçant que son ponceur en a ras le bol et arrête le job, et il me propose le poste ! Ensuite il faut savoir que nous sommes deux au glassage, il y a Antoine Tainon qui est avec Renaud depuis le début, c’est donc lui qui m’a tout appris ainsi que Renaud , nous formons une bonne équipe et je leurs dois beaucoup car ce que j’arrive à faire aujourd’hui en terme de qualité, c’est en partie grâce à eux !
Srp : Le shape dans toutes ses étapes ne t’a jamais tenté ?
Au début évidemment !! Comme tout le monde qui débute dans la fabrication de planche ! Le shaper est beaucoup plus médiatisé que le glasseur, et il faut dire que le glassage et le ponçage c’est très physique et très dur, peu de monde veut s’y coller, mais si on aime ça c’est génial et ça passe tout seul !!
Si on me donnait le choix entre shaper ou glasseur : je resterais glasseur.
Srp : As-tu des « maîtres » dans ta spécialité ?
Bien sur j’ai des « maîtres », ce qui m’inspire et me motive encore plus : avant tout Antoine Tainon (glasseur principal de uwl workshop) qui a une rigueur et une qualité de travail impressionnante. Puis Moonlight glassing (ce sont eux qui glassent tout les bonzers des campbell brother) leur qualité est irréprochable, et ils produisent beaucoup de boards. Puis je suis fan de Kenny edwards et Jeff pupo (le glasseur et le ponceur de Cooperfish surfboards).
En France je respecte et j’admire le travail de Sébastien Garnier de chacal glassing, et les glasseurs de barrel surfboards.
Et j’admire tout simplement tout ceux qui sont comme moi amoureux du glassage !
Srp : Ton premier glass pro, tu t’en souviens ?
Non, car je peux pas dire que j’ai fait des glass pro, et même dans 20 ans je ne serais pas assez satisfait de mon job (sans trop exagérer non plus !) Je pense qu’on peut toujours faire mieux, et que ça c’est une des clefs de la qualité ! Après si tu veux parler de ma première planche à uwl j’étais très stressé et j’ai mis deux plombes à la faire mais c’était plutôt pas mal.
Srp : Travailles-tu de la même manière sur une 6’2 que sur un longboard ?
Non, évidemment il y a quelques petits changements, mais après cela dépend des finitions souhaitées par le client. En général pour une 6’2 les gens veulent du blanc, du mat, et un planche légère, alors que pour un 9’2 les gens demandent des résines teintées, des polishs et se soucient peu du poids final !
Srp : Le plaisir de travailler ces deux types de planches est il semblable ?
Pour moi il n’y a aucun rapport, et personnellement je préfère travailler sur des planches rétros pour des gars qui s’y connaissent et qui apprécient un beau polish , ou une belle résine teintée. La plus part du temps les riders qui commandent des shoartboard blanches mates, veulent juste que la strat soit légère et solide et qu’au niveaux du ponçage il y est une belle arête sur le tail mais il s’en foute de la qualité de finition !
En revanche c’est aussi un plaisir pour moi de faire des shoartboards, car je peux me fixer des challenges du style poncer 6 planches en une matinée. Ce qui n’est pas possible sur les planches rétros, où je préfère prendre le plus de temps possible pour n’avoir aucun défaut.
Srp : En règle générale, un glass c’est combien de temps pour toi ?
Cela dépend des planches, mais pour un fish blanc avec un gloss (polish) par exemple, du glassage jusqu’au ponçage je met environ : 5 heures (pour une planche simple c'est-à-dire sans ailerons fixes, sans ponté, juste avec des plugs, et nous travaillons avec des résines U-V, donc il n’y à pas les mêmes temps de séchage.)
Srp : Tu assures aussi certaines décos. As-tu une liberté de manœuvre ou les commandes sont définies, fermes et ne te laissent aucune liberté de créativité ?
Certains client me laissent carte libre et là j’adore !
Mais la plupart du temps j’ai quelques petites indications à respecter du style les couleurs ou des mots à inscrire, mais cela reste très léger et je peins toujours à ma sauce !
Srp : La vague de shapes inspirés de planches oldschool n’est elle pas un formidable moyen d’expression pour un glasseur ?
Si effectivement, c’est ce que je clame sur mon blog , pour un glasseur il n’y a pas mieux que de faire du old schoool, et puis beaucoup plus intéressant et valorisant !
Srp : La déco la plus folle que tu es faite ?
Sur une shoartboard : un battle de déco avec mon pote Polish, on a rempli toute la board, et maintenant elle est en expo dans le shop.
Srp : Le polish, un petit extra ? Un petit caprice de client ou une autre manière de voir une planche ?
Je ne considère pas sa comme un caprice ou un petit extra, il est vrai que c’est un petit coût en plus mais ça valorise toutes les heures de boulot qu’il y a derrière, c’est avec ça qu’on voit la qualité de la planche (autant du glassage que du ponçage). Et puis je pense que c’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à une planche. Moi je suis amoureux des polish !
Srp : Ton rêve professionnel ?
Oh grosse question !!! Déjà j’ai plein de projets et je suis assez confiant car quand on veut, on peut !! Pour commencer, ça va donc faire 3 ans que je suis chez uwl, et j’ai pris la dure décision de quitter uwl au mois de novembre 2008, mais pour continuer mon apprentissage et mon parcours de glasseur/ponceur puisque avec ma fiancée nous partons un an en Australie pour faire toute la cote est (Byron Bay, Gold Coast…), je vais donc là-bas dans le but de voyager et surfer bien sur mais aussi principalement pour travailler chez des grands noms du glassage et du shape, j’ai vraiment hâte même si c’est très dur de quitter uwl, qui pour moi est devenu une grande famille ! Et lors de mon retour en France nous comptons aller habiter directement dans le sud-ouest vers Anglet, où je compte bosser en tant que glasseur/ponceur (je ne sais pas encore pour qui ). Puis après quelques années et une expérience suffisante, je rêverais de m’installer à mon compte pour faire du glassage ,et essayer de ne faire que des planches rétros !
Srp : Dans d’autres pays à la culture surf, les meilleurs glasseurs sont aussi connus et reconnus que leurs collègues shapers. Penses tu que cette reconnaissance sera d’actualité un jour en France ?
Oui c’est vrai quand France c’est pas encore ça, je pense qu’il y a une possibilité pour que les glasseurs soit autant reconnus que les shapers, tout simplement parce que maintenant beaucoup de shapers utilisent la machine qui fait 70% voir 90% du shape, alors que le glassage resteras toujours une étape faite 100% à la main.
Srp : On parle de plus en plus du danger des importations des planches d’usines à bas prix pour le shape artisanal et notre production nationale. Es tu inquiet ?
Un peu quand même ! Mais mon avis est tranché car il reste encore beaucoup de clients qui soutiennent leurs shapers, et que pour se faire un custom, et de bonne qualité, il n’y a que le shaper artisanal pour faire cela, et puis le rétro revient pas mal à la mode en ce moment, et ça il n’y a que nous qui sommes capables de le faire ! Mais moi je suis vraiment « anti-planches chinoises » ! A uwl nous avons fait des stickers : « FRIENDS, DONT LET YOUR FRIENDS RIDE CHINA BOARD » pour moi c’est une mauvaise considération du surf, la fabrication doit rester artisanale !
Srp : La toxicité des produits nécessaires à ta spécialité est connue. Comment te protéges tu ?
Une bonne ventilation, le masque, et le casque pour les oreilles !
Srp : Les matériaux du shape sont en constante évolution. Les shapers continuent à chercher de nouvelles courbes, des nouvelles combinaisons de dérives... Existe-t-il une même dynamique pour les matériaux, les techniques du glasseur ?
Bien sur, en ce moment à l’atelier nous essayons de trouver des procédés écologiques. Un stagiaire chimiste « Florian » est resté 3 mois à l’atelier pour faire des tests, assez concluants !
Tout d’abord une résine écologique qui ne colle pas et qui est inodore, puis une fibre de bamboo, fibre de lin, et fibre de chanvre. Nous travaillons aussi sur des résines plus résistantes ou plus flexibles, bref il existe quand même pas mal de trucs !!
Srp : Un glass léger est il forcement fragile ? Un glass solide est il forcement plus lourd ?
Il est forcément plus fragile qu’une planche avec beaucoup de couche, mais si les patchs sont bien fait, et que le tissus est bien imprégné et le glassage pas trop sec : il n’y a pas de raison !! Et s’il est plus solide, cela ne veut pas dire qu’il est beaucoup plus lourd, il suffit de faire ça bien, (mais on ne peut pas tout avoir !)
Srp : La planche parfaite, si elle devait exister, elle serait comment ?
Je ne sais pas si elle existe, mais pour moi cela serait un fish twin fin, pas trop lourd, résine teintée crème dessus/dessous, pin line complexe parfait en résine teintée, avec glasson keel fin et gloss pour finir, elle ne prendrais jamais d’enfoncement, jamais de pètes, il n’y aurait pas besoin de mettre de wax… bref cela n’existe pas !lol !
Srp : Certains des membres du forum ont réalisé leur planche. D’autres en rêvent. Quels conseils principaux et de base pourrais tu leur donner pour cette étape tant redoutée qu’est le glass amateur ?
Déjà une bonne organisation, tous les outils propres (gants, raclettes, pinceaux…)
Toujours commencer par glasser le bottom, faire une coupe du tissu la plus propre et régulière possible, glasser toutes ses couches en mêmes temps (si il y a deux couches sur le top : découper les deux tissus et les imprégner ensemble).
Pour le ponçage, toujours rester à plat avec son plateau, souffler régulièrement son disque, ne pas trop insister avec les papiers fins (400, 600…). Et après ça vient tout seul, plus tu fait de planches plus t’es bon.
Srp : Le fait de glasser une planche shapée par un autre ne met t’il pas une pression supplémentaire ?
Pas pour le moment car pour moi Renaud (shaper d’uwl) est un très bon pote, donc c’est pas pareil, mais c’est sur qu’il y a comme même une pression !
Srp : Et pour conclure, à toi, un petit message à faire passer ?
C’est un job assez dur mais il faut persévérer, moi je suis fou amoureux du surf et de mon job, c’est une vrai passion et je suis heureux tous les matins, d’aller fabriquer des boards, je réalise la chance que j’ai, sans Renaud Cardinal et tout le team UWL je n’en serais pas là aujourd’hui. Et merci à vous et votre forum pour m’avoir accorder cette petite entrevue !
Merci à toi surtout de nous avoir fait partager ta passion et ton enthousiasme ! Changes rien !
Le blog de Tristan: http://glass-sandingjob.blogspot.com/
Propos recueillis par Pipeau
Photos publiées avec l’aimable autorisation de Tristan Mausse et de Uwl
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