Le surf Sur sa côte ouest, le Japon reçoit des houles en hiver par les dépressions de la mer de Chine (houle courte mais violente). Le surf y est court et aléatoire mais peut être très bon. Sur sa côte est, le surf est principalement constitué par les houles de typhon. La période favorable va de fin juillet à fin octobre dans une eau à 25 - 26°C.
Le surf n'est pas aussi consistent que par chez nous et les périodes de flat peuvent être longues. Sachant que sur l'ensemble du voyage (en famille...), 5 jours seront dédiés à la recherche du surf, j'ai intérêt à compter sur la chance et sniper les sessions.
Il y a beaucoup de surfeurs, souvent suréquipés de matériel flambant neuf. Les spots peuvent être surpeuplés: il vaut mieux s'y préparer mentalement. Les japonais sont en général très cools à l'eau et finissent toujours par lier contact. Les sessions n'en sont que plus agréables.
Le voyage Se déplacer au Japon sans connaître le japonais peut demander pas mal de temps pour comprendre les panneaux.
Lignes de train au départ de l'aéroport d'Osaka...va comprendre
Itinéraire en bleu du centre du Japon jusqu'au sud
Nous commençons par 15 jours de voyage à la découverte de ce pays. Temple à Noto Hanto
Je fais un saut au spot de surf Shibagaki, côté mer du Japon. Des vagues de 30cm déferlent à la série, c'est blindé, je passe... Spot de Shibagaki
Et je m'empresse d'aller faire pas mal d'offrandes aux "kami", les dieux logés dans la nature pour avoir des vagues.
Kyushu et les volcans Cette île est tout simplement l'île où le volcanisme est le plus actif au Japon (c'est dire...). Nous irons respectivement voir le Kirishima, le Sakurajima et le mont Aso. Il est possible d'aller directement au bord du cratère au rythme des alertes aux gazs qui nécessitent d'évacuer. C'est très impressionnant. L'île regorge de fumerolles et eaux bouillonnantes qui servent pour les bains chauds.
Le volcan Sakurajima est en éruption (le nuage de cendre est visible juste après l'explosion). Il est à deux pas de la ville de Kagoshima, ville de 700 000 habitant. Des gens habitent au pied du volcans et les écoliers ont des casques... C'est impressionnant.
Nous rapprochant de la côte regorgeant de spots de surf, je me mets en mode "sniper" (c'est à dire, je voyage en famille comme si de rien n'était et je me mets activement à l'affut des sessions de surf...). La fenêtre de surf est étroite, 5 jours. Le sud de Kyushu vient d'être touché par un très gros typhon avec un swell de 25 pieds (!). Il y a eu des inondations. J'arrive 2 jours après au Sud Ouest de Kyushu : le Kaimon Dake. C'est un volcan d'une forme conique quasi parfaite qui fait 900m de haut. Cette zone, ouverte sur la mer de Chine et non sur le Pacifique, n'est pas spécialement connue pour son surf mais il y a quelques spots. Le dernier check indique qu'il y a un swell faiblissant. Lorsque j'ai préparé le voyage, je ne pensais pas surfer ici.
Arrivé la veille assez tard : nous campons et j'ai monté la tente juste avant la nuit. Je n'ai pas pu reconnaitre les environs.
Mercredi 8 août : Kaimon Dake, la journée des hasards Debout à 5h30. Je pars un peu au jugé en direction d'une longue plage de sable repérée sur la carte. Je longe la mer mais impossible de la voir ou de l'approcher. Au détour d'un virage : il y a des vagues mais aucun accès. Je continue. L'heure tourne. Aucune indication d'accès, pas de route. Je commence à m'énerver. De désespoir, je prends la première route à ma gauche et me mets à tourner dans les chemins étroits qui courent entre les rizières. Au plein milieu d'un virage, je pile : à travers un chemin, j'aperçois des vagues.
Enfin les vagues au détour du virage
Bingo, sans le savoir, je suis tombé complètement par hasard sur un des meilleurs bancs de sable de cette longue plage. Des surfeurs sur un pic un peu plus au sud !
La plage donne sur le somptueux Kaimon Dake.
La droite / gauche
Il y a de jolies vagues :1,20m punchy qui finit en gros shorebreak. Je rejoins les surfeurs et prend 3 vagues. Sur la fin, le pic devient mou, je sors et dans le shore break, le leash casse net ! Il était vieux de 2 ans et laissé au japon. En retournant vers la voiture, je m'apercois qu'un pic sympa est apparu avec 2 surfeurs dessus. Trop frustré, je trouve une ficelle verte sur le sable, me confectionne un leash de fortune et fonce au pic.
Réparation de fortune
Les 2 surfeurs hallucinent en me voyant arriver dans ce coin perdu : gaijin (étranger), vieille planche jaunie au pays du matériel neuf et leash en ficelle. Salutations et c'est parti pour le surf ! Je prendrai de bonnes vagues et 2 casquettes. Ha, que cela fait du bien, des vagues, en short et avec un tel panorama.
De retour en famille, nous partons sur un spot d'apnée à 30km. Sur le chemin, je découvre plusieurs vagues de reef non documentées avec des surfeurs. J'ai soigneusement pris la position GPS et pris sur moi pour continuer sans me mettre à l'eau comme si de rien n'était.
Une droite qui semblait vraiment vraiment top
Une autre droite / gauche sans personne 300m plus loin !
A Ajiro-hama, des pêcheurs nous emmênent dans un crique connue pour son corail. Arrivé là bas, c'est une plage minuscule de 30 m de long, 5m de large, logée au creux de grandes falaises et un gros shore break. Pas simple de débarquer. Aucune sécurité, pas de gilets de sauvetage, c'est un peu olé olé. Plus tard, alors que nous nous baignons, un premier bateau de pêcheurs de 7-8m de long venant chercher les touristes manque de se retourner : pris par le shorebreak, son pilote tombe dans l'eau et l'embarcation devenue folle manque d'écraser plusieurs baigneurs avant d'être maitrisée. Je vois bien que les pêcheurs sont un peu limite pour transporter du public... Nous décidons de partir. Au moment de monter avec les enfants dans notre embarcation, celle-ci, emportée par le shore break, se retourne sur son pilote et se fracasse lourdement sur la plage. Le pêcheur s'en sort miraculeusement sans blessure mais l'embarcation est détruite et nous devions être dessus. On l'a échappé belle avec les enfants... J'en frémis encore. 2 h se passe à grands renforts de bateaux pour tout remettre en orde. Ces pêcheurs ne savaient clairement pas lire les vagues au bord et étaient imprudents d'emmener des gens à cet endroit avec un telle houle.
L'embarcation coulée et ramenée au port. Il paraît que c'est la première fois que cela arrive
2ième session sur le même spot, fin d'après midi Cette fois il y a 5 voitures dont un hummer sur le parking du spot. mais-a-quoi-peut-servir-un-hummer-alors-que-les-routes-sont-si-étroites-au-japon ?
La houle a grossi dans la journée : un bon 1,50m. 5 surfeurs sont là, tous tatoués de façon conséquente, la mine sombre (au japon, les tatouages siginifient que vous faites parti des Yakusa, la pègre locale, même si cela commence à changer. Par exemple, la plupart des Onsen (bains chauds) refusent l'entrée aux personnes tatouées). L'ambiance sera assez fermée et la compétition rude mais la droite est vraiment belle : elle pousse fort, sans être tubulaire cependant, et peut dérouler sur 100m. En short, sur ces vagues puissantes à cutback avec la vue sur le Kaimon Dake, je me régale! J'ai juste peur que mon leash de fortune ne me lache. Il m'arrache la jambe à chaque wipe-out.
Le soir, étant au camping, qu'il fait super chaud et que nous suons, nous cherchons un établissement de bains chauds publics pour nous laver. Nous tournons sans en trouver. Sur le point d'abandonner au bout de 3/4 d'heure, nous arrivons à "Healthy Land", un "rotenburo" (bain chaud en extérieur) construit au sommet d'une falaise sur l'emplacement d'une résurgence d'eau volcanique chaude. 500 yens par personnes (5€ environ). La vue à 270° est plongeante sur le pic environnant, la baie et le Kaimon Dake, le tout avec la zigounette à l'air : c'est tout simplement le plus beau bain chaud que j'ai vu au Japon. Si vous allez à Kyushu, ne le manquez pas !
Cliquez pour voir le panorama http://yann.breton.free.fr/image/1208japan/1208japon-20.jpg Jeudi 9 août : j'y vais ou j'y vais pas ? Debout à 5h. Il fait nuit. Je fonce au même peak qu'hier. Le matin se lève (ce qui est normal au pays du soleil levant)
La houle est longue et costaude : 1,50m avec quelques séries fantômes qui ferment à 2 m. Il y a des baines puissantes comparables à chez nous
J'hésite longuement avant d'aller à l'eau car je suis seul et mon leash est pourri. C'est complètement glassy. La houle, un peu multipeak, est propre. Des gauches tubulaires passent
Je prendrai de la marge de sécurité en surfant la droite qui finit dans un chenal.
Très bonne session dépaysante.
Au camping, les seuls autres campeurs sont un couple de jamaïcains. C'est un surfeur ! On a bien discuté et je lui ai indiqué comment trouver le spot du matin. Il avait l'air content.
Tanegashima, le temple du surf
C'est une île au sud de Kyushu qui fait 60 km de long pour 12 km de large. Elle est considérée comme le paradis des surfeurs car elle reçoit les houles de tous les côtés (du Pacifique à l'est et de la mer de Chine à l'ouest avec les dépressions hivernales). C'est un aimant à vagues : dès qu'il y a 3 pieds de houle, il y a forcément un endroit qui marche. La plupart des spots sont des beachbreaks décents sans être de classe mondiale. Il y a cependant 4 spots de reef qui sont connus pour être des vagues de grand standing. Mais ils ne marchent pas toujours voire sont capricieux. Vendredi 10 aout Arrivée tardive le soir et debout à 7h: orages matinaux, hibiscus et bleu du Pacifique, je me crois un instant à Tahiti.
Je pars avec mes filles à la recherche des spots. Je tombe sur "Rock", la plus belle vague de l'île et "Hungry" un spot de reef outside juste à côté.
Spot "Rock" Rock est une droite peu fréquente sur des boulders à la sortie d'un petit port. Enorme coup de chance, elle marche : 1m – 1,20m, glassy, 3 surfeurs et 3 surfeuses. Au japon, il y a beaucoup de filles qui surfent plutôt correctement. Ni une ni deux, je fonce ! La droite est creuse, assez rapide et surtout très régulière dans son déferlement. En surfant, je vois dans l'eau translucide les boulders défiler sous la planche. Je suis aux anges. Les pêcheurs en apnée de coquillages viennent discuter avec moi et mes quelques mots balbutiants de japonais.
Un bien joli point break
Une droite creuse et tendue. Elle peut monter à 2m - 2,5m tubulaire.
Sur la vague en backside, je me régale
Spot "Hotel Mae" Au sud de l'île, les plages sont paradisiaques. Ce sont des beach breaks faciles qui prennent toutes les houles. Quelques vagues prises mais elles sont médiocres car onshore.
Offrandes en sucre et farine qui seront mis sur les tombes pour la fête des morts du 15 août
Spot Toudoishita C'est à deux pas du centre spatial japonais qui doit tout simplement être le plus beau centre spatial du monde...Drôle d'impression de surfer une plage tropicale avec un pas de tir à l'horizon.
Le centre spatial, fierté du Japon
Il y a 2 vagues : une droite mais la marée est trop haute et une gauche sur un reef un peu mou mais cela me permet de finir la journée. La droite
La gauche
A la guest house tenue par un surfeur, je rencontre Peter, un anglais super sympa qui a vécu 3 ans sur l'île. La guesthouse est une super adresse : accueil irréprochable et chaleureux, calme, propreté et nourriture cuisinée avec soin.
Samedi 11 août, Spot Toudoishita Marée basse, vagues de 1,20m, longs murs à surfer en droite. Sympa mais peu de puissance. Les take offs sont faciles puis un long mur se lève où il ne faut pas trainer pour finir avec une épaule à cutbacks. Les locaux sont là avant le travail donc il faut bien ramer pour prendre des vagues. Je retrouve l'anglais Peter.
Dimanche 12 août Un peu frustré par le surf d'hier constitué de beachbreaks corrects mais pas exceptionnels, je décide de faire les 50km qui me séparent du spot d'Hungry. Levé à 5h, j'arrive à 6h après avoir manqué d'écraser une tortue sur la route.
Spot Hungry
C'est le spot de l'île le plus consistent, il marche dès 1m et n'a pas de limite de taille. La vague peut dérouler alors sur plus de 200m. C'est un reef à 300m du bord. Pics en droite gauche, pas de courant. La mise à l'eau peut être assez chaude par les tétrapodes. Une dizaine de surfeurs dont les 3 surfeuses de l'autre jour et une bodyboardeuse qui n'a pas froid au yeux. Ce sera tout simplement une des vagues les plus sympas que j'ai surfé. Je ne l'ai pas eu tubulaire mais elle est super agréable à surfer : le take off est technique mais franc, les larges épaules permettent de choisir son surf tout en restant à pleine vitesse, la longueur de la vague est un pur régal. La vue de l'île est sompteuse, l'ambiance sympa. Un de mes meilleurs souvenirs de surf malgré la houle faiblissante.
Surfer cette zone (Hungry et Rock) peut être l'objectif en soi d'un voyage au Japon.
Pas de surf mais cette île mérite de s'y arrêter : patrimoine mondial de l'humanité pour sa biodiversité. Les gens viennent pour la montagne mais l'île est aussi riche sous la surface de la mer. Nous y avons fait nos plus belles plongées en apnée de toute notre vie. Yakushima est réputée pour sa forêt et ses arbres millénéaires (jusqu'à 7 000ans). Ses forêts ont servi d'inspiration au dessin animé "Princesse Monoke" de Miyazaki.
Les yakusugi, arbres millénaires
Cosplays "Princesse Monoke" au plein milieu de la forêt
Macaques de l'île
La faune sous marine est exceptionnelle le long des récifs coralliens
Conclusion Kyushu est bien la mecque du surf au Japon : plein de spots, moins de monde voire personne, houles de plusieurs direction, reefs de grandes classes et plein de secrets spots. De aout à fin octobre, les conditions sont relativement régulières avec un surf en eau chaude. Si le surf est aléatoire dans le reste du pays, Kyushu peut justifier un surftrip avec de bonnes chances de surfer.
Le Japon est un pays de voyage extrêmement enrichissant et j'encourage vraiment à aller le visiter malgré le coût. De plus ce pays va probablement symboliser dans les années qui viennent l'époque de transition que nous vivons tous : le grand tremblement de terre de mars 2011 a été le déclencheur. Les japonais qui l'ont vécu racontent tous leurs grandes frayeurs et désarrois. L'accident de Fukushima a mis ce pays au pied du mur pour la transition énergétique. Ils ont du fermer en urgence l'intégralité de leurs centrales nucléaires et faire baisser à marche forcée leur consommation électrique sous peine de collapse général (déjà -10% en un an). Peu d'opinions exprimées clairement cependant : la plupart des japonais s'en désintéresse, certains sont inquiets et en colère. L'accident de Fukushima remet beaucoup de choses en cause chez eux (organisation démocratique, puissance industrielle, consommation énergétique).
Apprécions le privilège exceptionnel de pouvoir vivre, respirer, surfer et voyager que ce soit au Japon ou juste à côté de chez nous. Protégeons ce dont nous profitons.
Vraiment magnifique !! T'as eu de bonnes vagues dis donc je ne pensais pas que le Japon pouvait avoir un air si tropical avec des vagues comme ça ! Décidément chaque fois que je vois un réport de ce pays, je me dis qu'il faut vraiment qu'on aille y faire un tour ! Et merci pour le petit passage sur fukushima et la transition énergétique
zitoune a écrit:Vraiment magnifique !! T'as eu de bonnes vagues dis donc je ne pensais pas que le Japon pouvait avoir un air si tropical avec des vagues comme ça ! Décidément chaque fois que je vois un réport de ce pays, je me dis qu'il faut vraiment qu'on aille y faire un tour ! Et merci pour le petit passage sur fukushima et la transition énergétique
Bon allez smiley de circonstance
J'ai effectivement été surpris par le côté tropical, riche et touffu du sud du Japon. En plus, à cette période, il y a très souvent du surf et du bon (pas forcément le cas plus au Nord de façon régulière). Je dirais que le trip "ultime" serait 15 jours à Tokyo et Kyoto pour la visite puis cap au sud pour 15 jours de surf...
C'est ce genre de report qui fait rêver et qui donne envie de bouger. Tout simplement heureux de voir ce report dans les pages de surfrepotes. Un grand merci.
Encore une fois un report parfait sur une zone inconnue (de moi en tout cas) Dépaysement total, belle découverte Merci et à bientôt à l'eau ensemble l'ami
Carrément tombé dingue de ton voyage !! Moi qui est de plus en plus attiré par l'Asie, je crois que je viens de passer le cap de non retour ! Merci beaucoup pour ce report aussi exotique que dépaysant !! Et ça change des destinations habituelles !