L'idée est simple et à l'image du forum: une rencontre et un partage. Celui qui sait faire, Lob de Barrel Surfboards, Fanchig qui s'est déjà essayé par deux fois au shape amateur et enfin celui qui aspire un jour à shaper sa première planche : wAga. Je m'efface donc pour laisser la place à nos trois compères et à leur plume respective...
Lob : l'équipe (jeune et dynamique) de Surfrepotes est toujours à l'affut et en recherche permanente de bons plans éditoriaux.
Les interviews de shapeurs, les rencontres artistiques, tout y passe pour le plus grand plaisir de chacun.
Aussi, quand on m'a demandé de participer et d'apporter ma modeste contribution, j'ai accepté sans réfléchir plus que ça.
Du coup, j'ai pensé que je pourrais participer à enrichir le site en organisant une séance de "comment faire soi même" le shape d'une planche.
Rendez vous fut donc pris avec Pipeau plus deux compères, Fanchig et wAga pour suivre les étapes du shape d'une planche, du pain de mousse à la signature.
L'idée de ce reportage est simple, c'est de répondre à ces questions basiques : dans quel ordre, avec quels outils, pourquoi, comment, etc...
Bien sur il ne faut pas prendre ce reportage pour une série de règles intangibles.
Je me contente juste de montrer ce que je fais et que chacun peut faire.
Tous les outils que j'utilise et toutes les étapes par lesquelles je passe durant ce shape sont des outils et des étapes abordables pour toutes et tous.
De plus, dans un process de fabrication, on peut utiliser d'autres outils et d'autres méthodes et cela va sans dire, ces autres techniques sont tout aussi bonnes et valables.
Mais pour le shapeur amateur normal, cette série d'étapes sont à considérer comme des jalons plutôt fiables.
L'idée étant que si l'on suit pas à pas et avec soin ce "mode d'emploi", on a des chances de sortir un shape convenable.
Allons y donc et poussons la porte du shaperoom.
Le matériel de base :
- 1 pain de mousse PU
- des outils (rabot électrique, râpe surform, cale à poncer avec et sans mousse, papier de verre 80 et 120, masque respiratoire, mètre, rabot à main, grille, etc...)
Je ne reviens pas sur les stands, la salle de shape, etc... ; puisque toutes les infos sont disponibles sur le site ou le wiki – et de toutes façons, s'il y a des questions auxquelles je peux répondre, je le ferai avec plaisir.
Fanchig : Accessoirement, et bien que cela appelle sans doute différentes remarques liminaires, il me semble important de préciser que le PU n’est pas forcément la seule option. Il existe également des possibilités avec le polystyrène, ce qui aura des conséquences sur le type de produits à utiliser ensuite sur le pain (peinture, résine...).
Pour mémoire quand même, n’est-il pas utile de rappeler l'intérêt fondamental d’une bonne ventilation dans le local, quelle soit mécanique ou naturelle ?
wAga : Si la ventilation est indispensable, le port d’un masque l’est tout autant si l’on ne veut pas inhaler la poussière que l’on va produire dès la découpe du pain.
Prévoyez également une tenue dédiée, que vous changez dès que vous interrompez votre séance de shape. Ou portez une de ses fines combinaisons que l’on peut facilement enfiler sur les vêtements. Par temps froid, bannissez les textiles type "laine polaire" qui attirent et piègent les particules de mousses en suspension dans l’air ambiant (j’en ai fait les frais !)
Au programme un style de shape "classique" inspiré à la fois du fish façon Steve Lis et des twins de Mark Richards.
Court et large avec swallow et wingers, assez proche du twinzer rouge de Zitoune mais qui sera un twin plus "trailer".
Au boulot.
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En premier lieu, je prends les mesures utiles: longueur et largeur de la planche à son point le plus large, ce qui sous entend de placer ce point sur la longueur de la planche.
Puis je pose mon(mes) gabarit(s) de forme (template - je ne détaille pas non plus la fabrication et la mise au point des templates).
J'ajuste bien les courbes à la longueur et la largeur, je trace le tout à l'aide d'un crayon à papier.
F : Alors là, je m’aperçois tout de suite, et je repense à nos quelques échanges sur le forum à ce sujet, que finalement, le choix d’un pain brut n’est pas si anodin que cela. Par rapport à un pain sur lequel outline et rocker sont déjà faits (ce qui est différent d’un pain complètement préshapé), le fait de devoir tracer nécessite tout d’abord un template, bien sûr, mais présente également un premier risque d’asymétrie. En ce sens, les éventuels prudents qui veulent se garder une part de nouveauté pour la prochaine fois peuvent avantageusement passer par un pain type Atuacores (ou équivalent si ça existe).
w. : Sur un pain brut on vérifiera l’aspect général (idéalement au moment de l’achat) pour s’assurer que la latte ou le pain lui-même ne soient pas trop vrillés. Les petites "imperfections" ne posent pas de problèmes, d’autant moins si on les a identifiées dès que l’on positionne les templates sur la carène.
Pour une première planche, il est judicieux que les cotes à reporter et les mesures à prendre le soient dans la même unité du "système métrique" basé sur le mètre, ou du "système anglo-saxon" basé sur le "pied". Un fois dans le jus, devoir faire des conversions, est une source d’erreur quasi certaine. Mieux vaut choisir l’unité de référence au préalable…
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Je découpe l'outline à l'aide d'une scie sauteuse (on peut aussi le faire avec la scie égoïne, question de plaisir personnel) en prenant le soin de me laisser un tout petit centimètre de marge, histoire de rectifier le tracé et de ne pas faire de grosses bétises.
F : Bof, t’façon c’est même pas la peine, ça sert à rien.
w. : Question de point de vue…, j’aime bien la marge de sécurité, dès la première étape !
A ce stade et pour les futurs shapeurs amateurs que ça intéresse de passer le cap, je précise qu'il est indispensable de prendre tout le temps nécessaire pour ne pas faire de couilles.
Une couille ne se rattrape jamais et une étape conditionne la suivante.
Une étape foirée et c'est l'assurance de foirer toute la suite des opérations.
Une étape réussie c'est une chance pour la suivante d'être également réussie.
F : Oui, bon d’accord, ça sert d’avoir pris une marge d’un centimètre...
w. : La scie sauteuse présente l’intérêt de pouvoir se concentrer sur le trait de coupe : l’embase et le choix de la bonne vitesse de coupe nous assure un travail net. Avec une scie à main, il faut veiller à tout : trait de coupe en lui-même, mais aussi veiller à rester bien perpendiculaire au pain pour ne pas se retrouver avec un pont plus étroit que la carène ; ou un outline dissymétrique.
Ce n’est qu’un point de vue de néophyte.
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Je place mon pain détouré sur le champ, à la verticale et à l'aide de la râpe longue surform, je fais disparaitre le trop plein de mousse qui se trouve entre mon trait de coupe effectif et mon contour final.
Il faut prendre bien soin de garder un geste régulier et propre, bien perpendiculaire à la carène: la régularité de l'outline se joue maintenant et une partie du job sur les rails également.
F : wAga et moi avons alors demandé pourquoi prendre autant de soin à faire un plan si perpendiculaire, puisque celui-ci ne va pas rester perpendiculaire longtemps, dès la prochaine découpe des bewels ? M. Lob nous a alors expliqué que vu le prix qu’il demande à ses clients, il ne peut pas se permettre de bâcler son travail, même s’il concerne des éléments qui vont disparaitre au ponçage. Pour moi, ça ressemble à un truc objectivement inutile, mais qui doit faire partie de ce que l’on pourrait qualifier de conscience professionnel et d’amour de ce que l’on fait.
w. : Il faut pourtant reconnaitre qu’à ce stade, le pain commence à révéler la planche qui est en lui. Je retiendrai qu’en étant méthodique, on garde l’intégrité de la planche à chaque étape, sans se créer l’inconfort de devoir en plus rectifier des boulettes qui risquent d’en amener d’autres ; surtout quand on attaquera les étapes où chaque passage compte.
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Maintenant que la planche a son contour final, j'empoigne le rabot électrique et je décroute le dessus et le dessous du pain, d'abord une passe dessous puis une dessus.
F : Là, j’avoue que ça me semble être le moment le plus difficile pour le néophyte. Personnellement, je n’oserai pas encore utiliser le rabot. Ca va trop vite en besogne.
A noter que le rabot est tenu "à plat" et avec un angle genre 30° à 45° par rapport à la latte.
Encore une étape importante, surtout dans le gain de qualité de la carène et le gain de temps pour mettre ladite bien plane et régulière.
Si comme c'est quasi toujours le cas la planche n'a pas encore atteint l'épaisseur finale voulue, il faut retirer de la matière en dessous du pain et pas au dessus.
La mousse étant plus dense proche de la surface, il faut rester au plus proche sur le pont pour des questions de durée de vie de la future planche.
F : Tout en ayant quand même décrouté la couche superficielle du pain, afin de faire disparaitre les imperfections de cette "enveloppe brute". J’avoue avoir été impressionné par l’épaisseur mini à enlever, qui est malgré tout importante.
w. : En clair le décroutage est indispensable. Le réglage du rabot doit être précis pour ne pas trop attaquer le pain, quitte à faire plusieurs passes. Même si comme l'a dit Fanchig, le rabot demande de la maitrise, sa semelle offre un appui qui contribue à bien aplanir la carène. Soyons minutieux et les étapes à venir n’en seront pas compliquées.
Il est important de lever le nez régulièrement pour apprécier ce que l’on fait avec un peu de recul, de la hauteur. Une planche c’est un tout qui se doit d’être harmonieux, dès le départ. Plus qu’une évidence, c’est une règle à s’imposer.
- 4bis -
C'est le moment de vérifier l'épaisseur obtenue.
Sur cette image je montre une solution viable pour s'éviter l'achat ou la fabrication d'une pince de mesure.
Simplement avec le niveau à bulle et une cornière en alu plus une règle pour mesurer, en plaçant le niveau centré sur la latte et la cornière bien à plat, plaquée à la carène.
w. : S'il y a des écarts éventuels, ils doivent être considérés en terme de matière à enlever ; un creux localisé impliquera de reprendre (toute) la surface de la planche "autours" de ce creux.
Sans tomber dans la psychose, un coup d’œil régulier à l’ensemble permet de veiller à une bonne symétrie, dans tous les sens (tail / nose, nose / tail, rail / rail : des 2 côtés).
- 4ter -
C'est aussi le moment de s'assurer que la carène n'est pas tordue ou "twistée".
Ce n'est pas que ça empêche de surfer mais c'est préférable de faire pour le mieux.
Pour ça je fais encore appel à mon niveau à bulle et aux cornières en alu.
Il faut placer le niveau au centre de la planche et une cornière au nose et une au tail, les trois bien perpendiculaires à la latte.
Ce qui va permettre de vérifier en se penchant et en alignant visuellement les repères deux à deux : la cornière du nose et le niveau au centre / la cornière du tail et le niveau au centre.
Si la carène est plate et régulière, les cornières et le niveau s'alignent à la perfection.
Si il y a un twistage, alors on le voit directement et il faut rectifier le tir.
w. : Selon les irrégularités constatées lors de la mesure de l’épaisseur, il peut être judicieux de vérifier le twistage avant de rectifier l’épaisseur. Si la carène semble un peu vrillée et qu’il faille la reprendre, les imperfections localisées de l’épaisseur pourront être éliminées, en partie. Ce serait dommage d’aggraver le twistage en voulant avoir une épaisseur nickelle, sans vérifier les 2.
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Maintenant, j'utilise une grande cale à poncer avec un très gros grain pour lisser la surface de la carène
A ce stade, la carène doit être totalement plate et lisse, sans twist et sans artifices.
w. : Une cale de longueur égale au maitre bau semble donner un appui optimisé, tout en restant maniable. Il faut avoir conscience des appuis exercés sur la cale pour ne pas creuser le pain, à fleur de rail notamment.
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C'est là que je rectifie le rocker en fonction des besoin, du programme de la planche, de l'inspiration etc...
Pour ce faire j'utilise soit le rabot électrique soit la petite râpe courbée surform.
L'avantage pour le shapeur amateur c'est qu'elle permet de garder la latte intacte et de conserver un repère visuel pour la modification du rocker, que ce soit au nose ou au tail.
Une fois la mousse attaquée, un coup au rabot à main et à la grande râpe surform ou à la cale à poncer permet de tout remettre à plat (avec contrôle visuel si besoin).
F : Contrairement au reste de l’intervention, qui reste assez précise, c’est une des parties les plus 'intuitives", ou nécessitant le "coup d'œil" harmonieux.
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Etape suivante, selon le type de shape: la création des améliorations de la carène.
Pour cette planche courte et large, j'ai créé du vé et du double concave.
Première étape : le vé.
Je prends des repères que je mesure sur la surface qui va devenir les rails puis je bosse avec les râpes et la cale à poncer.
Pas évident comme phase; ni à mettre en paroles ni à réaliser.
Je peux même dire que c'est l'un des points subtils dans le shape.
Sur une longueur de grosso-modo 60cm à plus d'un mètre, il faut travailler une variation de maxi. 3 à 5mm tout en gardant des lignes fluides et harmonieuses.
Ce qui semble simple ne l'est pas tant que ça et c'est possiblement une étape où le fiasco guette.
Ce n'est pas si difficile à réussir mais c'est très facile à chier.
Donc, patience à ce moment là.
w. : C’est l’une des étapes qui m’a confirmé l’importance de l’éclairage et plus généralement de l’ergonomie de la salle de shape (pro. ou amateur). S’il fallait le confirmer, la lumière rasante est un très bon allié pour révéler une symétrie ou un défaut.
Là on rentre dans les étapes à la "Rain Man" : où tout est calculé, vérifié. Y compris le nombre de passes de façon à enlever strictement la bonne quantité de matière pour la meilleure symétrie.
Pour une première planche, je crois que j’apprécierai d’avoir sous la main, une planche finie qui me serve de "modèle" avec ce type d’options, pour vérifier le résultat final vers lequel je dois tendre, tout en le réalisant.
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Je vais préparer le travail sur les concaves.
Pour ça, j'ai besoin de savoir comment les dérives prendront place.
Aussi, je trace leur emplacement à ce moment précis.
F : Par rapport à l'hypothèse polystyrène, la présence de la latte sur un pain PU est, pour le coup, une super aide dans cette étape.
Règle, équerre, crayon et c'est parti.
w. : On remarquera qu’à cette étape, le tail brut du pain n’a pas encore été touché. L’intérêt : il reste protégé jusqu’à ce qu’il soit mis en forme. (La latte qui dépasse a donné un éventuel point d’appui à la main libre lors de l’utilisation de la cale à poncer pour aplanir la carène : étape 5, 2° photo)
w. : On peut aussi avoir anticipé cette étape en préparant des gabarits pour positionner les ailerons. Leur position est repérée, elle est matérialisée au scotch pour situer précisément où créer les concaves : entre l’aileron et la latte.
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Travail à la cale à poncer, à la râpe etc...
Et contrôle visuel encore une fois pour s'assurer que les deux côtés sont sensiblement identiques.
w. : En comptant les passes et en dosant la pression sur les outils on s’assure de rester harmonieux. Le niveau, l’équerre, les coups d’œil rasants devraient le confirmer.
Il est encore une fois difficile d'expliquer le truc.
Mais s'il faut retenir une idée c'est que peu importe le tracé et la profondeur des concaves, il faut qu'ils soient doux et progressifs: le flux d'eau compte avant tout et avec un minimum d'imagination on doit "sentir" ce qui est bon ou néfaste.
Cette étape étant achevée, on peut décider que la carène est terminée et qu'on n'y touchera plus.
Pour un amateur, il est plus que possible que tout ce boulot ait pris une grosse demie journée et c'est une bonne idée d'en rester là pour garder un minimum de fraicheur.
w. : Là j’ai eu à nouveau confirmation que tout ce qui précède est un tout et l’importance de bien réaliser les étapes une à une : impossible désormais de reprendre un point laissé approximatif au début sans altérer l’ensemble.
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Une fois que la carène est terminée, il faut passer au pont.
Encore une fois, il va falloir affiner le tir.
Les volumes bruts du pain de mousse ne sont pas ceux de la planche finie.
Il faut la plupart du temps retirer de la matière soit vers le nose soit vers le tail, soit les deux.
J'utilise les mêmes outils que pour le dessous: rape, rabot etc...
Et maintenant, c'est là qu'un autre gros chapitre commence et qu'une grande partie du caractère de la planche va se dessiner.
Après l'outline, la carène, le foil (rapport entre le rocker et le pont), on va décider du volume général de la planche.
Je vous laisse vous pencher sur les questions de dome deck, flat deck etc...
w. : Je me faisais tout un plat de la carène, j’avoue que le deck me fait peu rire… La carène c’est une mise à plat, stricte. Puis selon les options on retire de la matière "dans le gras". Pour le pont c’est prêt des rails que ça passe surtout. Autant dire que la marge d’erreur avoisine le zéro, de mon point de vue…
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A l'aide du rabot électrique ou de la râpe surform je réalise la première facette qui va conditionner la mise en forme du pont et le rapport entre le pont et les rails (on dit bevel en anglais).
Il se trouve qu'au fil du temps on acquiert des habitudes et on connait quelques repères fiables mais au départ, ça n'a rien d'évident.
Je ne conseille pas forcément de se tracer toute une série de lignes le long du rail, qu'elles soient parallèles à la carène ou non.
Si ces lignes repères sont mal tracées elles seront inutiles et nuiront à la lecture des volumes et de toutes façons, si l'on n'a pas d'ordres de grandeur en tête, elles n'ont aucune utilité réelle.
Donc, je conseille plutôt de suivre ses observations (issues d'une planche au programme proche de ce qu'on souhaite) et de prendre un repère au milieu de la planche et de se laisser guider par l'instinct en ne perdant pas de vue l'objectif final, la tension des courbes et des volumes etc.
F : Je confirme que cette étape est moins difficile qu’il y parait. Pour mes deux modestes (mais réjouissantes) expériences de shape, j’avoue avoir procédé de la même façon. En piquant le modèle de rail sur mes autres planches. Le tout est venu assez spontanément, l’enjeu principal étant d’enlever la matière de façon uniforme, afin d’éviter ensuite de devoir ensuite égaliser les déformations. C’était rigolo de voir Lob faire des aller et retours sur toute la longueur de la planche, comme un robot, histoire de faire un mouvement linéaire et constant. L’inverse du "petite zone par petite zone".
w. : La réalisation et la réussite de cette étape tiennent réellement dans la précision du geste et son amplitude. L’idée, c’est vraiment d’être progressif pour ajuster au mieux la quantité de matière à enlever.
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Je travaille toujours un côté en premier qui va me servir de référence pour faire le côté opposé, ce qui me permet d'avancer étape après étape avec un max de points de contrôle.
Tout ceci dans le soucis de garder la qualité au max en permanence.
Encore une fois, c'est "ma" méthode et une autre peut être tout aussi valable mais dans ce guide, il faut bien exposer une solution simple et fiable.
Donc, je prends des mesures d'un côté que je reporte de l'autre pour réaliser le premier bevel du second côté.
Ensuite, viennent une série de bevels successifs destinés à former la courbe qui ira des rails à la latte.
Je continue de travailler en symétrique, le même nombre de passes de chaque côté jusqu'à obtenir un résultat proche de ce que je souhaite, à quelques facette près.
w. : On crée une série de facettes elliptiques d’un bout à l’autre du pain. Chaque nouvelle facette vient casser l’arête supérieure de la précédente pour créer le galbe souhaité et révéler les futurs rails.
Encore une fois, il est surtout question d’harmonie et de fluidité. En vérifiant à l’œil, le regard doit glisser sur les facettes comme sur autant de ligne de fuite mises en perspectives.
Bien que tout soit courbe et galbé, une belle facette n’est pas bosselée et ses arêtes sont nettes et tendues.
Si l'on veut être sur de son coup à 99%, on peut faire appel à cet outil de carreleur qui permet de vérifier de façon certaine et de ne pas faire confiance à ses yeux ou à ses mains avec lesquelles on peut conclure quelques arrangements.
w. : En partant d’un pain pré-shapé, on serait rendu a peu près là, je pense… Sans l’exaltation d’avoir réalisé ce qui précède. Question de choix et d’envie, donc propre à chacun.
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Une fois que le pont est symétrique, à facettes et proche du résultat final, il est temps de le lisser et de lui donner un peu de rondeur et de velouté.
Je fais ça en utilisant deux outils: d'une part la rape surform que je fais glisser en diagonales et parallèle à la latte, en plusieurs allers et retours et d'autre part, dans le même geste, la cale à poncer avec mousse.
w. : La cale à poncer avec mousse va permettre de bien lisser la mousse en surface, sans l’attaquer trop. Le but étant de ne pas affecter les volumes, juste de les lisser en surface, de révéler le velouté. C’est sur qu’on a l’impression de plus caresser la mousse que la poncer réellement. Le résultat parle de lui-même.
C'est une étape qui peut semble fastidieuse mais encore une fois, elle permet d'atteindre un bon résultat avec un faible degré d'erreurs possibles.
Ne pas oublier à ce stade de bien penser à raboter la latte qui va se faire un plaisir de ressortir sans qu'on lui demande son autorisation.
Et hop, le deck est terminé.
w. : Pour la latte, le rabot à main "de poche" est l’idéal. Sa petite taille permet de le manier aisément en ressentant bien ce qu’il enlève, les passes semblent tactiles et précises.
Si la carène et le pont sont finis, il est temps de passer aux rails.
Encore une étape cruciale et délicate.
Les grands pros du shape font ça les yeux fermés ou presque mais pour l'amateur, c'est une source de sueurs froides importante.
A mon avis, c'est assez facile de "plutôt bien" réussir ses rails.
Il suffit de prendre son temps et d'être doux avec la mousse, de ne jamais la forcer.
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La planche retrouve sa position verticale.
Avec la râpe surform, je vais d'abord bosser sur le dessous de la planche, en passes légères et successives, progressives etc...
C'est un geste simple mais très visuel, encore une fois difficile à transcrire en texte.
Mais en gros, il faut jouer avec la pression portée sur l'outil, très légère auprès du tail, plus puissante au centre de la planche, mieux dosée vers le nose.
F : Détail important donné par Lob lors de la réalisation: La résistance du pain à la flexion étant plus faible aux extrémités du pain, il est important de relâcher la pression au début et à la fin du mouvement.
Il faut faire marcher son sens de l'observation et son intuition.
w. : Pour une première planche, si le pré-shape procure du confort et une relative sécurité, je trouve qu’il prive de l’expérience "toute fraiche" de la réalisation de la carène et du pont qui va nous servir à cette étape. Les outils ne nous sont plus inconnus, ni même la réponse de la mousse à leurs passages.
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Après avoir donné une belle forme au dessous du rail (un seul bevel suffit), il faut faire de même sur le pont.
De ce côté là, il y a plus de boulot et il faut créer d'avantage de facettes.
Toujours en comptant le nombre de passes et leur intensité.
Il faut encore et toujours bosser un côté pour une facette ou un geste puis l'autre côté si l'on veut sortir une planche symétrique.
Il faut beaucoup d'expérience pour achever un rail à 100% et passer à l'autre sans se gourer...
Patience, donc... et l'on peut encore contrôler la qualité du job avec l'engin de carreleur.
Quand les bevels sont réaliser, il reste "juste" à adoucir les courbes, ce qui se fait à l'aide de la grille à poncer, en dosant les appuis et les tensions.
Là encore l'expérience finit par rendre le geste simple mais pour le padawan, il faut prendre son temps et s'appliquer.
w. : Là, vous l’avez compris on est repassé en mode "Rain Man". Tout n’est que précision et légèreté du geste pour la meilleure des symétries.
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Je passe vite fait sur la découpe des wingers et du swallow, à chacun de trouver ses solutions, pour ma part, j'utilise des râpes diverses et variées, la scie sauteuse, le papier de verre, la grille à poncer etc...
A noter que je ne travaille swallows et wingers qu'en toute fin de shape, ce qui permet de garder des lignes propres et pures plus facilement.
w. : En clair, le rayon ustensiles de cuisine de votre supermarché préféré peut vous révéler l’outil idéal pour creuser un winger ; vous pourriez le croiser sur le présentoir des râpes à fromages ou sur celui dédié aux agrumes…
Bien fignoler un swallow c'est tout un art et surtout, ça prend beaucoup de temps...
Donc, si vous partez dans un tel shape, prenez des précautions et ne lancez pas ça dans l'urgence.
w. : On reprend là les mêmes fondamentaux. Un repérage précis, une découpe soignée, puis on couche le pont pour affiner le swallow en passes successives pour garder une symétrie harmonieuse.
L’idéal, c’est encore d’avoir une planche avec un tail similaire à portée de vue comme repère de ce vers quoi il faut tendre.
Avec une certaine propension à détourner les objets de leur utilisation première, une lime "queue de rat" s’avèrera l’outil idéal pour aller ajuster le profil de la latte au creux de la queue du poisson…
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Et voilà !!!
Il reste juste à fignoler deux trois trucs au passage, contrôler la latte, la symétrie encore et toujours, pratiquer mille contrôles visuels etc...
Mais après être passé dans toutes ces étapes, la planche est terminée.
Il reste juste à prendre le crayon gras et à signer...
Pour un super pro, tout ce process peut prendre selon les shapes entre 45 minutes et 1h30...
Pour un amateur, il est sage de compter quasi une demie journée pour chaque grande phase:
- outline, détourage, décroutage, mise à plat de la carène
- travail sur la carène, mise en forme du pont
- travail sur les rails plus détails
En tout état de cause, c'est une bonne chose une fois tout le job fini de laisser reposer la planche dans un coin et d'y revenir avec un oeil frais quelques jours plus tard.
Car on ne le dirait pas mais shaper ses premières planches est excessivement prenant et consomme beaucoup d'énergie.
w. : En préalable à une première, il me semble tout aussi opportun de bien préméditer tout ça.
Lob n’a cessé de nous le répéter, une planche c’est un tout harmonieux. En saucissonnant les principales étapes on en garde pas moins l’intégrité, puisque tout ce que l’on va faire est lié à ce qui a été déjà réalisé.
Je crois qu’on se prémunit de certains écueils du « débutant » en se répétant bien les différentes étapes avec les points clés, comme une sorte de road-book.
C’est dans la répétition que les automatismes du pro. s’acquièrent et même s’il vaut mieux rester modeste quand "on joue à faire comme", c’est exaltant de réussir son projet.
Merci d'avoir lu, j'espère que vous y aurez trouvé quelques réponses.
Bon courage à tous ceux qui se jetteront dans le bain.
w. : Merci à lob pour son accueil et son partage, à mes acolytes pour leur complicité.
Et ce n’est qu’une question de temps, mais je pense bien m’y jeter un jour dans le bain, et vous ?!
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