Timal: Francis, Cisco, 6sko, ki ça ?
Francis Vilasco, dit Cisco ou 6sko, je suis né à Abidjan en République de Côte d’Ivoire en 1967.
Passionné de glisse, je commence à shaper dans la garage de mes parents à 14 ans, tout d’abord mes premières planches à voile de régate puis de funboard. A cette époque le surf n’est pas encore très développé, et rapidement les jeunes surfeurs se recommandent l’adresse pour la fabrication de leur planche. Avec un atelier sur place, le surf local se développe doucement et je ne cesse de faire évoluer mon approche du shape pour mieux répondre aux attentes de mes clients.
Suite logique, ouverture du premier surfshop à Abidjan en 1994, le XIAN SURF SHOP, qui accueille les boards et une ligne de vêtements « home made ».
En parallèle, le 1er SURFCAMP de l’Afrique de l’Ouest sort de terre à Assinie, « machine » à vagues qui fonctionne toute l’année et spot idéal
pour tester les boards qui sortent de l’atelier.
Epaulé par des amis fidèles comme Romuald Jonqua, nous parvenons à rendre accessible l’Afrique et à faire partager ses secrets à des surfeurs du monde entier. La vie aurait pu s’égrainer paisiblement ainsi pendant longtemps mais l’histoire en a voulu autrement…confronté à la guerre qui éclate, je quitte mon pays avec ma famille direction la Réunion en 2003.
J’arrête de compter mes shapes (+ 800 à l’époque déjà) et je me consacre aux spécificités des vagues réunionnaises en adaptant des planches sur mesure pour des riders péi.
En 2005, avec un passif de + de 25 ans de rabot, face à une demande croissante et à l’explosion du nombre de pratiquant à la run, je m’attaque à la fabrication de kite surf sur mesure. Avec quelques adaptations spécifiques, je mets au point avec le soutien et les échanges de riders locaux un modèle renforcé en AIREX qui passe sous les pieds de nombreux insulaires.
Aujourd’hui, j’ai posé mes outils et instruments à l’Hermitage les hauts à proximité des spots mythiques de la Réunion où je continue de tracer des courbes pour des surfeurs de tous les horizons et espérant, qui sait, partager un jour une session quelque part sur ce caillou ou ailleurs dans le monde.
Timal: Un Ivoirien à la Réunion, un peu d'Afrique en plein milieu de l'Océan indien?
… la Run est peut-être plus africaine qu’on ne croit.
Timal: Le surf en Cote d'ivoire il y a 20 ans? Des noms mystiques comme Assinie...raconte nous ta découverte du surf et comment en venir au shape?
Si on remonte au commencement…ma mère nous amenait souvent à la plage à VRIDI, je ne savais pas nager, mais je kiffais déjà de me faire brasser dans le shorebreak de Grand Bassan. Vers 11 ans, je me suis mis au funboard et c’est à ce moment là que ma passion pour le shape a débuté. Un peu contraint et forcé il est vrai, vu que nous n’avions pas de matériel à Abidjan, d’où la nécessité de les fabriquer nous-même. La réalisation complète d’un funboard étant assez complexe (difficulté accrue par les carènes), j’ai dû intégrer moi-même beaucoup d’éléments techniques, mais à 16 ans je peux dire que je maîtrisais l’ensemble des caractéristiques de la fabrication d’une planche à voile. Dès lors quand les potes du surf m’ont demandé des surfs, la tâche m’a semblé moins ardue. Mes premiers rides en surf datent de cette époque et plus encore avec le permis de conduire qui m’ouvrait les beachbreaks d’Assinie à 80 km d’Abidjan.
Le surf en RCI s’est structuré avec un génération de surfeurs qui rippent aujourd’hui un peu partout dans le monde.
BIGUP à la famille Barth, le makoulélé, ….
Timal: Quelles ont été tes influences, tes sources de documentations, tes galères? Surtout qu'à l’époque la fabrication se faisait depuis le pain de mousse...
Mes influences viennent de mon époque…des premiers films de surf, FREE RIDE reste l’image que j’ai du surf (tant pis pour ceux et celles qui ne l’ont pas vu…).
En ce qui concerne la fabrication, j’ai débuté par l’époxy : cube de polystyrène (on coupe, on colle, on insère la latte) jusqu aux dérives maison…plus simple à décrire, on avait rien comme instruments, fallait tout faire de A à Z….donc toutes les galères qui allaient avec…
Timal: La Réunion comporte des shapers connus sur la scène internationale avec qui tu as déjà collaborer d’ailleurs ( Mickey Rat, Choka) mais le shape semble connaitre un engouement au sein d'une génération de de surfeurs exemple Francois Heer avec Primate Surfboard, Tristan avec KARVE, syndrome du nombres de pratiquant en augmentation ou les vagues de la réunion gourmande en planche?
Le monde du shape est un milieu qui reste assez fermé…les ateliers n’ouvrent pas trop leurs portes aussi facilement qu’en Europe ou ailleurs. L’île est très petite et la concurrence est dure, de plus avec la proximité de l’Afrique du sud de nombreux surfeurs profitent des prix bas et d’une monnaie faible.
Cependant depuis quelques années, Mickey Rat a perdu son exclusivité sur le caillou, cela a mis du temps mais les nouvelles générations ont repris le flambeau – spécial remerciement à Choka Surfboard (Mister Olivier THERAUBE) qui en se positionnant comme revendeurs de matériels nous a bien simplifié les choses.
Timal: Quelles spécificités en matière d'effet tu as travaillé pour les vagues réunionnaises?
Les vagues réunionnaises sont en général des vagues de reef (de corail plus précisément), donc assez puissantes et creuses. Une simple concave tout du long du bottom et des rails assez fins (même s’ils peuvent rester boxy pour ceux qui aiment avoir de la tenue dans leurs courbes) te permettent d’aborder l’ensemble des spots sans trop de souci.
Pour les spots plus mous, le travail sur des shapes hybrides cumulant simple concave enchaîné avec un léger double concave avec un léger vee sur l’arrière (aile de mouette dans mon jargon) est un bon compromis selon moi.
Timal: Tu travailles avec certains surfers pour mettre en application tes réflexions "aéro hydrauliques"?
Quel échange y trouves-tu?
Il est difficile de trouver un bon surfeur avec qui tu peux tester mais surtout analyser le feedback réel de la glisse d’une planche…Quand tu en as un ou deux faut plus les lâcher pour faire évoluer constamment les effets, et progresser dans tes shapes afin de coller au plus prêt aux attentes de chaque surfer.
Timal: Comment peut-on qualifier le niveau de surf à la réunion?
Le niveau de surf ici est très très élevé sur la génération – de 16 ans, ils n’ont rien à envier aux ricains, ozzis ou autres…les résultats sur les compétitions en témoignent. L’engagement des spots se retrouve dans leur glisse.
Après ça se gâte…rares sont ceux qui tiennent le rythme…la vie lé très douce à la run…
Timal: Toi même surfer, quelles grandes dates peut-on retenir dans l'histoire du shape? et les évolutions pour les prochaines années?
Les étapes clés selon moi, c’est l’invention du thruster, merci Mister Simon Anderson, puis les dérives amovibles (FCS en particuliers), synonymes de tests multiples sur une même planche et surtout pour le travail de glaçage, quel bonheur…
Les évolutions proches passent selon moi par une meilleure écoute de chaque surfeur afin de mieux appréhender ses besoins et lui sortir la planche idéale…
Timal: Crois-tu au devenir d'une planche éco durable ? Voir en même temps incassable? Quelles conséquences sur le secteur du shape selon toi?
Pour les formes, la boucle est fermée selon moi…par contre je pense que les matériaux doivent changer.
Il faut que l’on arrive à une board écodurable, mais la route est longue…pour atteindre le surf grand public…
Un surf en lui-même est d’un point de vue écologique une abomination…donc tout doit être mis en œuvre pour transformer ce constat en souvenir…avec la mise en place de nouveau processus de fabrication, depuis les pains de mousse et tous les matériaux du cycle : résine, tissus…et leur recyclage…
Les boards intemporelles…à voir mais c’est si bon de changer de boards sous les pieds…et il y aura toujours de nouveaux inconvénients aussi. Pas de sur mesure tant que le processus n’est pas applicable à n’importe qui, les gammes existantes de boards en epoxy certes plus solides n’offrent déjà pas cette alternative d’adapter des planches standards au style de chaque surfer.
Timal: Depuis 2 ou 3 ans tu t'es intéressé au shape de kite surf, comment as-tu dérivé vers la réalisation de custom adapté à cette pratique?
Pourquoi le kite…. ? par curiosité…et surtout pour le challenge quand un dalon rider chez NORTH me donne son pro model et me demande de lui faire quelque chose de similaire…je relève le défi et aujourd’hui je suis assez fier des rendus qui décollent sur les spots du sud ou à Maurice…
Timal: Une anecdote à nous faire partager de ton parcours?
Sans réfléchir, je te dis 10 jours avec Mikey Dora et Mike Mc Neil ; oui, tu ne rêves pas, j'ai eu le plaisir et le privilège de passer quelques jours avec eux, dans le cadre de mon surf camp à Assinie en Côte d'Ivoire, grâce à Romuald Jonqua et nos contacts avec Quick et son agence de voyage. J'ai pu vivre des moments inoubliables... En résumé, même à 60 balais ils sont restés des gamins dans leur tête, des gars simples et naturels, tellement simple que cela en parait irréel.
Je me souviendrais toujours de l'instant où je l'ai vu dans le hall de l'aéroport à Abidjan : costume en lin blanc, canne en ébène, borsalino sur la tête...J'accueillais James Bond en personne avec toute la classe d'un Sean Connery dans son meilleur rôle. Le comble, c'est que dés qu'il s'est mis à l'eau, sur tous les spots, il a pris les bombes de la session, toujours placé où il fallait, on aurait dit que les meilleures vagues lui arrivaient dessus...Irréel un truc de ouf!!!!
McNeil lui, c'était le spirit en personne, tel un maître yogi, avec lui tout devient simple.
Je vous laisse en vous faisant lire la dédicace de Mc Neil sur mon livre d'or ...
Site du boug
http://www.6sko-surfboards.com
Merci and Fé Roulé Misié 6sko!